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Carnet noir
15 avril 2018 17:08; Act: 15.04.2018 17:32 Print
Le cinéma italien dit adieu à Vittorio Taviani
Palme d'Or du festival de Cannes en 1977 avec son frère Paolo, cinéaste engagé et malicieux, le réalisateur est décédé à l'âge de 88 ans.

««Le cinéma est ma vie», disait Vittorio Taviani. (Dimanche 15 avril 2018) (Photo: Keystone/Archives)
Le réalisateur italien Vittorio Taviani s'est éteint à Rome à l'âge de 88 ans. Il a écrit, avec son frère Paolo, certaines des plus belles pages du cinéma italien, dans une oeuvre atypique qui mêle histoire, psychanalyse et poésie.
Vittorio Taviani, who, with his brother, Paolo, won the Palme d'Or at #Cannes in 1977 for PADRE PADRONE, has died. He was 88. https://t.co/ks4RV4f8kepic.twitter.com/x6dNcaz9qr– The Daily (@CriterionDaily) April 15, 2018
Un duo unique
«Le cinéma est ma vie, parce que sinon je serais seulement un fantôme et tous les rapports avec les autres se dissoudraient dans le brouillard», disait Vittorio Taviani, indissociable de son frère Paolo, de deux ans son cadet.
Un duo unique (avec peut-être les frères Dardenne) qui parlait toujours d'une même voix et écrivait à quatre mains ses colères, ses indignations, mais aussi son amour de l'art et de la beauté.
«Nous ne voyons pas comment nous pourrions travailler l'un sans l'autre. (...) Tant que nous pourrons mystérieusement respirer au même rythme, nous ferons des films ensemble», affirmaient les deux cinéastes qui, en 1977, se comparaient au café au lait: «Impossible de dire où finit le café et où commence le lait!»
Fortement inspirés par le maître du néo-réalisme Roberto Rosselini, mais aussi par Vittorio De Sica, les deux frères, fils d'un avocat antifasciste, se sont intéressés dès leurs débuts, dans les années 1960, aux thèmes sociaux. Et leur cinéma s'est vite distingué par un style singulier où se mêlent histoire, psychanalyse et poésie.
Triste jour
«C'est un jour triste pour la culture, un des plus grands maîtres de notre cinéma s'en va», a déclaré, dans un communiqué, le ministre italien de la Culture, Dario Franceschini.
«Don, bonté, humilité. Classe. L'homme à la casquette, qui le distinguait de Paolo. Je peux dire avec Scola: 'Nous nous sommes tant aimés'. La nuit de San Lorenzo est leur chef-d'oeuvre», a réagi sur Twitter Gilles Jacob, ancien président du festival de Cannes.
« Les bons sentiments ne font pas de bonne littérature ». Pourtant on peut être un homme bon, un humaniste dans l'âme et en même temps un grand cinéaste comme Vittorio (et Paolo)TAVIANI. « César doit mourir » titre de leur récent gd film: pas les TAVIANI, ils sont immortels.– gilles jacob (@jajacobbi) April 15, 2018
Disparition de Vittorio TAVIANI, l'aîné des deux frères, grandissimes cinéastes italiens. Don, bonté, humilité. Classe. L'homme à la casquette qui le distinguait de Paolo. Je peux dire avec Scola: nous nous sommes tant aimés. La nuit de San Lorenzo est leur chef d'oeuvre.– gilles jacob (@jajacobbi) April 15, 2018
Après une série de documentaires, les frères Taviani réalisent leur premier long-métrage «Un homme à brûler» (1962), qui raconte l'histoire d'un syndicaliste marxiste en lutte contre la mafia sicilienne. Ils s'emparent, l'année suivante, du thème du divorce avec la comédie «Les hors-la-loi du mariage», interprété par Ugo Tognazzi et Annie Girardot, avant de réaliser «Sous le signe du scorpion», une allégorie des évènements de l'année 1968.
Inspiration dans les oeuvres littéraires
Ce n'est qu'en 1974, avec «Allonsanfan», évocation de l'Italie post-napoléonienne et de l'échec des troubles révolutionnaires qui éclatèrent à l'époque, qu'ils obtiennent leur premier succès international.
Beaucoup de leurs films sont inspirés d'oeuvres littéraires: «Les affinités électives» adaptées de Goethe ou «Padre padrone» tiré du roman éponyme de Gavino Ledda, qui raconte la rude destinée d'un enfant sarde élevé par un berger. Présenté au festival de Cannes où il suscite une polémique en raison de sa dureté, «Padre padrone» n'en reçoit pas moins la Palme d'or.
Le thème de l'enfance est également au coeur de «La Nuit de San Lorenzo» (1982, Grand prix spécial du jury de Cannes). Vittorio et Paolo se rendent cinq ans plus tard aux Etats-Unis, où ils tournent «Good morning babylon» peinture satirique de Hollywood.
Grands admirateurs du dramaturge et romancier sicilien Luigi Pirandello, ils adaptent plusieurs de ses récits dans «Kaos», film surréaliste en deux volets en forme de réflexion sur les désordres et la cruauté de la vie, qui dénonce le fascisme et la mafia.
Les conséquences de la mondialisation
Après un retour au documentaire avec «Un autre monde est possible», tourné lors du G8 de Gênes (2001) avec le cinéaste Gillo Pontecorvo, qui dénonce les effets dévastateurs de la mondialisation, ils reviennent à la fiction avec «Le Mas des alouettes»(2007).
En 2012, avec «César doit mourir», ils racontent l'univers carcéral autrement, à travers la préparation d'une pièce de Shakespeare dans la prison romaine de Rebibbia. Le film, récompensé par l'Ours d'or à Berlin, raconte comment des détenus se libèrent de leurs geôles grâce à l'art, mais prennent en même temps conscience de leur enfermement.
«Jamais on ne capitule. On dit qu'en vieillissant, on est plus généreux, plus tolérant. C'est faux. Nous avons toujours le même instinct de rébellion», disaient-ils à l'époque. Pour la première fois en un demi-siècle, Paolo Taviani réalisera seul son premier long-métrage en 2017, «Une Affaire personnelle», histoire d'amour sur fond de Résistance dans le Piémont de 1943.
(nxp/ats)