Sans-abris à Genève: Affluence record dans les centres d'accueil

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Sans-abris à GenèveAffluence record dans les centres d'accueil

Les centres de nuit pour sans-abris ont affiché complet pendant presque tout l'hiver. La Ville enregistre ainsi une hausse de 30 pour-cent de la fréquentation de son dispositif d'accueil.

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Les chiffres sont éloquents. Avant même que l'hiver ne soit officiellement terminé pour les centres d'accueil de nuit pour sans-abris de la Ville de Genève – qui cessent leur activité ce mercredi –, ces derniers affichent 3'000 nuitées de plus par rapport à l'exercice précédent. Ce ne sont pas moins de 13'000 lits qui ont été occupés pendant l'hiver dans les locaux des Vollandes et du XXXI-Décembre, soit une augmentation d'environ 30% sur une année.

Les périodes de grand froid connues plusieurs fois pendant l'hiver semblent expliquer cette affluence record. Les températures négatives ont en effet amené un certain nombre de personnes à sortir de leur abri régulier pour se réfugier dans les centres d'urgence de la Ville et de ses partenaires, comme l'Armée du Salut.

«Par exemple, on a eu entre 150 et 180 personnes chaque soir pendant la deuxième semaine de mars», précise Philippe Bossy, adjoint de direction au service social de la Ville. C'est bien davantage de la moyenne de 105 nuitées quotidiennes, et c'est surtout près du double de la moyenne de l'année précédente.

Une tendance aussi observée du côté de l'Armée du Salut. «On a affiché complet presque tous les soirs, nos 38 lits étaient quasiment tout le temps occupés», confirme François Kajyabwami, responsable de l'accueil de nuit pour le local de l'association situé aux Grottes.

Un bilan positif

Mais malgré cette affluence en hausse, le dispositif d'accueil a bien fonctionné, dans le calme, assurent autant François Kajyabwami que Philippe Bossy. Un sentiment qui trouve un écho auprès de la police cantonale genevoise. «Globalement le bilan est positif, commente le premier lieutenant Claude Pahud, responsable de la police de proximité et des ilotiers. La coopération avec les services sociaux de la Ville se passe très bien.»

Outre leurs rondes régulières, les gendarmes ne sont intervenus qu'à sept reprises dans les centres d'accueil municipaux, dont une seule fois pour un cas sérieux de menaces proférées contre l'encadrement de l'établissement concerné.

Même si elle est plus nuancée sur la question, l'association Mesemrom, qui défend les intérêts des Roms – une population qui fréquente régulièrement les centres d'accueil de nuit –, juge assez positivement le dispositif mis en place par la municipalité. «On a dû se battre, mais dans l'ensemble ça s'est bien passé», reconnaît sa présidente Dina Bazarbachi. Des efforts particuliers ont notamment été réalisés pour gérer l'afflux massif d'enfants dans les centres.

Davantage d'enfants

Car outre la rigueur du climat, c'est effectivement la présence extraordinairement importante d'enfants, principalement d'origine roumaine, qui caractérise cet hiver par rapport aux précédents. «Parfois ils étaient jusqu'à 20 à la fois», remarque Philippe Bossy. C'est donc en partie pour cette raison, pour protéger ce «public incompatible avec les adultes du centre des Vollandes», que la mairie a ordonné par quatre fois l'ouverture temporaire du local situé sous l'école du XXXI-Décembre. Du personnel supplémentaire a même dû être engagé pendant ces périodes.

La présence de ces enfants était surtout marquée au début de l'hiver, avant que le Conseil d'Etat genevois ne décide de scolariser les mendiants mineurs. Après cette annonce, les jeunes Roms ont déserté les centres d'accueil.

«Je leur ai dit de partir, avant qu'ils ne soient retirés à la garde de leurs parents», s'exclame Dina Bazarbachi, qui donne l'exemple de trois frères arrachés à leur mère dans les locaux de l'Armée du Salut, le lendemain de l'annonce du gouvernement genevois. Les enfants rom sont donc retournés en Roumanie, en sécurité, précise-t-elle, et reviendront certainement cet été.

La problématique du refus

Si le bilan semble positif, les centres de la Ville ont quand même dû refuser du monde, hors périodes de grand froid où tout individu est accepté. «Les locaux sont là avant tout pour s'abriter de la rigueur hivernale, ce n'est en aucun cas un logement», explique Philippe Bossy. L'encadrement des centres procède ainsi à une rapide estimation des capacités des personnes à se trouver par elles-mêmes un abri convenable, avant de les accepter ou de les refuser.

Mais pour Mesemrom, un problème plus profond existerait. L'association estime en effet que la population rom a parfois été discriminée dans le processus d'accès aux centres d'urgence de nuit. «Il existe une politique de quotas par nationalité», dénonce Dina Bazarbachi, qui assure que les Roms ont le droit de rester moitié moins longtemps dans les centres que des ressortissants d'autres pays.

Philippe Bossy réfute cette accusation. Mais il concède en revanche qu'un équilibre doit être trouvé au quotidien, au regard des profils des individus accueillis, pour que le dispositif ne devienne pas explosif et que les gens s'y sentent en sécurité. Du côté de l'Armée du Salut, c'est la politique du «premier arrivé, premier servi» qui est pratiquée. Et pendant, entre cinq et dix personnes par soir n'ont pas pu avoir accès à un lit au sein de l'association.

Au final, et malgré un sentiment positif qui se dégage de l'exercice qui touche à sa fin, le dispositif municipal a-t-il atteint ses limites face à la forte augmentation du nombre de pensionnaires des centres? «Je ne pense pas que l'on soit à un point de rupture, ça correspond aux fluctuations de la météo, estime Philippe Bossy. A mon avis, il n'y a pas eu plus de monde à la rue, mais il y a eu un besoin de mettre plus de monde à l'abris.»

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