GenèveAprès l’entartage d’Amaudruz, l’Uni porte plainte
La troisième interruption de conférence en moins d’un an aura été celle de trop. Ce mercredi, le rectorat a décidé de serrer la vis et de saisir la justice.
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Céline Amaudruz, conseillère nationale UDC.
Cela aura été la goutte d’eau qui fait déborder le vase. Ce mercredi soir, le rectorat a annoncé qu’il allait déposer une plainte pénale contre inconnu pour violation de domicile à la suite de la tentative d’entartage de Céline Amaudruz dans les murs de l’Université le 21 décembre. La conseillère nationale UDC participait à une joute oratoire organisée par deux associations estudiantines sur le thème de la neutralité. L’alma précise que «si des étudiants de l’UNIGE devaient figurer parmi les fauteurs de trouble», ils pourraient être déférés devant le conseil de discipline et s’exposeraient à des sanctions administratives.
«Sentiment d’impunité»
La troisième interruption par des militants d’un événement organisé à l’Université depuis avril aura été celle de trop. En juin, après les deux premières, le rectorat avait renoncé à porter plainte. Il avait préféré aboutir à une déclaration commune avec la CUAE, le syndicat étudiant. Ce texte rappelait le refus de la violence, le respect de la liberté d’expression et celui des personnes. Le rectorat estimait alors que la voie du dialogue serait la plus à même d’éviter de nouveaux débordements. Ce mercredi, il écrit que son «espoir sincère» a été déçu. «La volonté de dialogue a été mal interprétée et a pu générer chez certains (…) un sentiment d’impunité qui n’a pas lieu d’être.»
«Menace pour la liberté d’expression»
L’Université serre donc la vis, jugeant que les faits du 21 décembre «sont une menace pour la liberté d’expression et une entrave aux règles qui régissent le fonctionnement démocratique de notre société. Ils ne sauraient être tolérés.» Elle constate aussi à regret que des événements «qui ne présentaient jusqu’ici pas de risque particulier (…) doivent dorénavant être réévalués.» Et d’annoncer qu’à l’avenir, «les dispositifs de sécurité seront adaptés en conséquence».
Trois cas en neuf mois
Pour rappel, le 21 décembre, un débat sur la neutralité organisé à Uni-Mail par le Club genevois de débat et Foraus Genève, deux associations estudiantines, avait été interrompu par neuf militants masqués de la mouvance antifa. Ceux-ci ne supportaient pas qu’y intervienne l’élue UDC. Ils avaient tenté de l’entarter aux cris de «Genève antifasciste, dégage Amaudruz, tu pues», et avaient jeté du liquide nauséabond dans la salle. La soirée avait néanmoins pu aller à son terme. Par la suite, sur le site d’extrême gauche renverse.co, les activistes avaient prévenu: «La prochaine fois, ça ne se passera pas de la même manière. On sera plus nombreux, plus organisés, plus déterminés et plus prêts à en découdre !»
Cet épisode suivait deux autres perturbations d’événements organisés dans l’enceinte de l’alma mater. Le 17 mai et le 29 avril, deux présentations de livres avaient été interrompues par des militants se revendiquant de la cause trans. L’une était organisée par le Centre de psychanalyse Suisse romande, l’autre par le Département de langue et de littérature françaises modernes. Les activistes jugeaient ces publications transphobes et estimaient qu’en acceptant qu’elles soient abordées dans ses murs, l’Université «rendait leur propos audible et tolérable».
Céline Amaudruz satisfaite par «une décision adéquate»
Céline Amaudruz, qui avait jugé dans un premier temps que le rectorat minimisait les faits, se dit aujourd’hui satisfaite du dépôt de plainte. «Cette décision me semble normale et adéquate.» Elle affirme qu’elle sera «vigilante» à ce qu’elle ne soit pas retirée par la suite. L’élue juge aussi que «les vives réactions de tout l’échiquier politique ont montré le problème de la dérive totale de l’état de droit à l’Université». Elle espère que ce durcissement de ton dissuadera de tels actes à l’avenir. «Ce qui est sûr, c’est que si le rectorat n’avait rien fait, cela se serait répété. Il faut siffler la fin de la récréation. Les risques de sanctions et le renforcement de la sécurité me paraissent dissuasifs.»
La CUAE soutient les étudiants potentiellement impliqués
Le syndicat étudiant CUAE s’est exprimé par communiqué ce mercredi après-midi, avant que la décision du rectorat soit connue. Il rappelle qu’il «n’a pas organisé cette action et ne la revendique pas». En revanche, il estime que son rôle de syndicat consiste à «prendre la défense des étudiants potentiellement impliqués» et «s’oppose aux discours et aux idées d’extrême droite, dangereuses pour l’éducation publique et la formation». La CUAE dit «soutenir l’existence de contestations politiques au sein de l’université», ce qu’est selon elle l’entartage, qualifié d’«action symbolique (…) qui ne cherche pas à terroriser mais plutôt à tourner en ridicule (…)». La CUAE regrette que cette «action» soit «sciemment décrite comme une agression pour la décrédibiliser». Elle demande au rectorat de ne pas déposer plainte ni de saisir le conseil de discipline, des réponses qui «menacent la liberté d’expression à l’UNIGE».