Élections à Genève«Autant d’incertitudes, je n’avais jamais vu ça»
Deux anciens ténors de la politique genevoise établissent les scénarios possibles des élections cantonales, dimanche.

- par
- David Ramseyer
Multiplication des listes nées de divisions internes, à droite comme à gauche, défiance face aux partis traditionnels et à «l’establishment», nombre record de candidats… Un mot désigne le climat à l’aube des élections cantonales, dimanche: incertitude. C’est le qualificatif martelé par deux anciennes figures politiques du canton. Observateurs attentifs des affaires publiques, mais détachés des combats partisans, l’ex-conseillère nationale et aux États Liliane Maury Pasquier (PS), ainsi que l’ancien conseiller d’État libéral Claude Haegi avouent «ne jamais avoir vu pareille configuration. Il est très difficile de dire qui va gagner et qui va perdre.»
L’ordre établi contesté
Le nombre de listes (12, un record), dont plusieurs très proches idéologiquement, va forcément disperser les voix. Avec un quorum de 7%, soit le pourcentage minimum requis pour entrer au Grand Conseil, les «petites» formations en lice risquent bien de ne jamais s’asseoir sur les bancs du Parlement. Mais ce n’est pas une certitude absolue, selon Liliane Maury Pasquier. «Dans un monde qui ne met plus en valeur le compromis mais valorise le clash et la critique, ces formations construites sur la méfiance, voire l’opposition aux partis traditionnels attirent un électorat qui juge négativement les politiciennes et politiciens actuels et leur gestion.»
La socialiste nuance cependant son propos. «En cette période de crises majeures – inflation, réchauffement climatique, guerre en Ukraine –, tout le monde cherche à se rassurer. Un rôle que les partis établis peuvent endosser, car ils ont de l’expérience et les gens connaissent leurs priorités.» Claude Haegi abonde: «Les «sachants» de tous bords passent beaucoup de temps à critiquer, sans offrir une vision d’avenir; cela ne passe pas forcément auprès de la population. Les partis traditionnels gardent un socle important.»
Valse des sièges
Ainsi, pour nos deux experts, le PLR, le PS, les Verts et très probablement Le Centre ainsi que l’UDC conserveront une députation. Quant à savoir combien ils auront d’élus, c’est une autre histoire. «La disparition probable au Grand Conseil de l’extrême gauche divisée, peut-être du MCG, conjuguée à une possible arrivée des Vert’libéraux, va rebattre les cartes et largement redistribuer les sièges. La force des uns dépendra beaucoup de la faiblesse des autres.»
Électorat volatil
Pour ajouter à la confusion, il faut aussi prendre en compte une nouvelle donne, appuie Claude Haegi. «Avant, certains thèmes étaient vus comme l’apanage quasi exclusif d’une formation ou d’un bord politique. Ce n’est plus le cas. Regardez la question climatique: pratiquement tout le monde en a fait une priorité. Dès lors, le citoyen concerné par l’environnement ne vote plus forcément pour les Verts.» L’électorat serait donc plus volatil aujourd’hui.
Nom ronflant pas suffisant
Enfin, la notoriété de certains candidats à la tête de listes nouvelles, a priori minoritaires, ou en danger, va-t-elle influer sur les résultats au Grand Conseil? «À droite comme à l’extrême gauche, il y a des ego actifs en politique depuis longtemps qui refusent que le monde se passe d’eux, sourit Liliane Maury Pasquier. Certes, ils attirent indéniablement des voix, mais un nom seul ne suffit pas à assurer une place à un groupe entier au Parlement.»
Quatre candidats assurés de siéger au Conseil d’État
Tant pour Liliane Maury Pasquier que pour Claude Haegi, un même quatuor se détache pour l’élection au Conseil d’État. Selon eux, un siège au chaud attend les sortants Nathalie Fontanet (PLR), Antonio Hodgers (Les Verts) et Thierry Apothéloz (PS) ainsi qu’a priori la seconde candidate socialiste, Carole-Anne Kast. Pour les trois places restantes au sein du collège, nos observateurs ne se risquent pas à des pronostics précis. D’après eux, cela se jouera entre la PLR Anne Hiltpold, le duo du Centre composé de Delphine Bachmann et Xavier Magnin, la sortante Fabienne Fischer (Les Verts) et son prédécesseur, Pierre Maudet (Libertés et Justice sociale). «Mais si d’aventure Mauro Poggia (MCG) venait finalement à se représenter, nul doute qu’il aurait de très bonnes chances», parient nos experts.