GenèveAvec Pierre Maudet, «il y a d’un côté les discours, de l’autre la réalité»
La classe politique s’indigne après les révélations sur l’ex-magistrat, qui a permis à Uber de s’implanter illégalement au bout du lac. Cette nouvelle polémique intervient alors que l’ancien élu cherche à revenir au pouvoir.
- par
- Leïla Hussein

Le candidat au Conseil d’État a déjà été au cœur de plusieurs scandales, dont l’affaire du voyage à Abu Dhabi, qui lui a valu d’être condamné par le Tribunal fédéral, en novembre dernier. Mais ça n’avait pas remis en question ses projets politiques.
Alors que Pierre Maudet tente de faire son grand retour au gouvernement, l’ancien conseiller d’État a été rattrapé par de vieilles casseroles. Des documents internes d’Uber qui ont fuité dans la presse («The Guardian» d’abord, puis dans la «Tribune de Genève» de samedi) attestent de l’existence d’un accord secret passé en 2015 entre l’ancien chef du Département de la sécurité et de l’économie et Uber, pour permettre à la société d’exercer sans autorisation légale.
Ces révélations, faites à quelques mois des élections du Conseil d’État auxquelles Pierre Maudet est candidat, ont fait bondir la classe politique. «Ça montre sa profonde désaffection pour les lois. Pour lui, le cadre légal n’est pas ce qui importe le plus. C’est très dérangeant dans une démocratie», estime Bertrand Reich, président du PLR (ex-parti de Pierre Maudet).
«Sa justice sociale, c’est de la poudre aux yeux»
«Ce qui est clair, avec ces révélations, c’est que la méthode et la volonté politique de Pierre Maudet étaient d’installer Uber à Genève. Durant toutes ces années, il a fermé les yeux sur les conditions de travail des employés. C’est inacceptable et très inquiétant», relève de son côté la présidente des Verts, Delphine Klopfenstein. Un point de vue que son homologue de droite partage. «Ça montre à quel point il est indifférent au sort des travailleurs. Ça n’a jamais été sa préoccupation. C’est en décalage total avec son parti, qui prétend défendre la justice sociale. Avec Pierre Maudet, il y a d’un côté les discours, de l’autre la réalité. Sa justice sociale, ce n’est que de la poudre aux yeux.»
Il est temps de se retirer
Pour Céline Amaudruz, présidente de l’UDC Genève, le fait que «Pierre Maudet se considère au-dessus des lois pose un gros problème». Selon elle, la candidature de l’ancien magistrat, condamné pour acceptation d’un avantage par le Tribunal fédéral en novembre, entame la crédibilité du canton à Berne. «Pour eux c’est de la science-fiction.» Avec cette nouvelle polémique, elle estime qu’il est temps pour le candidat de se retirer, même si elle n’y croit pas vraiment. «Je ne compte pas sur sa sagesse pour partir au bon moment.»
Pierre Maudet, toujours dans la course?
Après le scandale du voyage à Abu Dhabi, ce nouveau dégât d’image va-t-il miner ses chances d’être élu? Bertrand Reich en doute. «Cette polémique va mettre en lumière ses contradictions et peut-être décourager certains de voter pour lui, mais ça restera marginal. Ceux qui le soutiennent ne se prononcent jamais sur le fond. Tout ce qu’ils voient, c’est l’homme traqué, seul contre tous.» Pour Delphine Klopfenstein, «ce sera au peuple de se prononcer. Mais aujourd’hui il est au courant de l’héritage de Pierre Maudet et va pouvoir voter en connaissance de cause.»
Contacté, Pierre Maudet assure qu’il n’y a rien eu de caché. «J’ai rencontré et négocié avec des parties prenantes comme ça se fait usuellement et tout cela a débouché sur une nouvelle loi.» Il précise que son travail a été soutenu par une décision du gouvernement et assume totalement son approche vis-à-vis de l’arrivée de ce nouveau modèle économique.
Uber, un dossier en cours
«Dans le dossier Uber, le seul qui a été clair et cohérent, c’est Mauro Poggia. Maudet ne l’a pas été à l’époque et Fabienne Fischer ne l’est pas davantage aujourd’hui, puisqu’elle permet à l’entreprise de continuer d’exercer alors que celle-ci ne devrait pas en avoir le droit», relève également le président du PLR, qui pointe du doigt la récente décision de l’État d’accepter la proposition de la société californienne pour se mettre en conformité avec le passé.
«Cet accord ne fait qu’entériner une proposition de l’entreprise. Si le rôle de l’État est d’arbitrer (comme l’avait souligné la patronne du Département de l’économie et de l’emploi (DEE), Fabienne Fischer, lors d’une conférence de presse), on pourrait espérer que l’État soit un peu ambitieux ou a minima fasse respecter le cadre légal. Pour l’instant, ce n’est pas le cas», conclut l’élu de droite. Dernier rebondissement en date dans l’affaire Uber: le dépôt d’un recours de deux entreprises de taxis, fin décembre, contre la décision du DEE de valider la mise en règle de la multinationale.