Genève: Barrière de röstis difficile à avaler pour les lutteurs

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GenèveBarrière de röstis difficile à avaler pour les lutteurs

Le club de lutte suisse de Carouge, en démonstration samedi, est le seul pôle genevois d'un sport qui peine à trouver sa place de ce côté de la Sarine.

David Ramseyer
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David Ramseyer
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Martins trouve «très cool» le spectacle des deux hommes qui se soulèvent tour à tour dans les airs, au-dessus du rond de sciure. «J'adore les sports avec une forte tradition nationale», explique cet étudiant letton de passage au bout du lac. «C'est impressionnant, ajoute Piero, 10 ans. J'aime bien quand ils tombent à terre». Les athlètes du Club des lutteurs de Carouge, unique représentant genevois de cette discipline, étaient samedi en démonstration lors de l'ouverture de l'exposition «Schnaps & rösti», au Musée de l'Ariana.

Sport contre folklore

La lutte suisse intrigue, le spectacle plaît visiblement aux touristes, «mais on a de la peine à tourner, nous n'avons qu'une quinzaine d'actifs, avoue Mickaël Heiniger, entraîneur du club genevois. Ce n'est pas un sport très populaire, ici». Pour beaucoup de Romands, en effet, la discipline se déclame en schwyzerdütsch, sent bon les pâturages alpins et s'apparente surtout à du folklore.

Mais c'est un vrai sport d'élite, reconnu par Swiss Olympic, plaident les dirigeants carougeois. «Le côté folklorique reste cependant très présent, reconnaît Mickaël Heiniger. Notamment quand il est récupéré par des partis politiques conservateurs».

Le coach genevois note pourtant que l'image de la lutte en Suisse romande s'est améliorée après les Fêtes fédérales de Nyon (VD) en 2001 et d'Estavayer (FR) l'an passé. La médiatisation et l'utilisation de ce sport par les publicitaires lui ont permis de se développer.

20 ans, l'âge du renoncement

«Depuis, il y a plus de jeunes dans nos sept clubs, cela prend pas mal d'essor», confirme Martial Sonney, chef technique de l'Association vaudoise de lutte suisse. Le canton et ses 300 affiliés peut se targuer d'être une place forte de la discipline de ce côté-ci de la Sarine, après Fribourg et ses quelques 450 membres recensés au sein de neufs clubs.

Problème: «Après l'âge de 20 ans, on perd pas mal de monde et le nombre de lutteurs stagne». Le manque d'argent et d'exposition médiatique, côté romand , ne permet pas à la lutte de décoller, selon le technicien vaudois: «Nous avons aussi une image rustique, admet-il. Il faut changer cela.»

Les clichés mordent la poussière

"Au départ, j'avais deux handicaps: être noir et Genevois", se marre Dieylani Pouye, premier Africain noir qualifié pour la Fête fédérale (ndlr; à Estavayer (FR) en 2016). Le colosse sénégalais n'est pas le seul membre d'origine étrangère du club carougeois. "Nous avons aussi un Russe, un Congolais et un Nigérian... Quand on va à un tournoi, on se fait remarquer", sourit Mickaël Heiniger. S'il a suscité de la curiosité lors de ses premières passes dans la sciure, "aujourd'hui, je me sens totalement respecté", estime Dieylani. Son partenaire de club, Emmanuel Oshodin, acquiesce: "On ne regarde pas ta nationalité mais comment tu combats". Le lutteur d'origine nigériane se sent bien: "J'étais intéressée à découvrir la culture suisse. Maintenant, je suis en plein dedans!".

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