Fiscalité des entreprisesBerne lance un compromis sur la réforme fiscale
Après le rejet de la «RIE III», la Confédération et les cantons ont dévoilé jeudi un projet plus «social». Ueli Maurer s'en est expliqué face à la presse.
La réforme de l'imposition des entreprises devrait être allégée et prévoir de nouvelles recettes ainsi qu'un volet social via les allocations familiales. But: éviter un nouvel échec devant les urnes. Confédération et cantons ont présenté jeudi leurs recommandations.
Le nouveau «projet fiscal 17», dont les grandes lignes ont été définies par l'organe de pilotage Confédération/cantons, est un «compromis typiquement suisse», a commenté le ministre des finances Ueli Maurer devant la presse. Reste à voir comment le dossier évoluera ces prochains mois.
La 3e réforme de l'imposition des entreprises a été balayée le 12 février par 59,1% des votants. Une des critiques majeures était que le projet était déséquilibré et comportait trop d'allégements fiscaux en faveur des multinationales et des actionnaires.
Volet social
La nouvelle mouture devrait comporter un volet social. Une telle contrepartie avait permis à la «RIE III» cantonale vaudoise de passer haut la main le cap des urnes. Concrètement, il s'agirait de relever les montants minimaux des allocations familiales de 200 à 230 francs par enfant et de 250 à 280 francs par jeune en formation. La facture (320 millions) sera à la charge des entreprises.
Seize cantons sont concernés, les dix autres (qui vont déjà au-delà du minimum) resteraient libres de prendre des mesures supplémentaires, selon le ministre genevois des finances Serge Dal Busco.
Explications de Serge Dal Busco
L'organe de pilotage a préféré cette option, qui figurait par exemple dans la RIE III cantonale genevoise, à celle d'une hausse des subventions des primes d'assurance maladie. Avec cette dernière solution, on aurait plutôt procédé à un transfert de fonds entre la Confédération et les cantons, a expliqué la ministre bâloise des finances Eva Herzog.
Davantage de recettes
Deux autres gestes devraient être faits à l'attention des opposants. Les villes et les communes devraient recevoir la garantie d'être associées à la mise en oeuvre de la réforme par les cantons.
Mais, surtout, la base d'imposition des dividendes devrait être relevée à au moins 70%, ce qui permettrait aux cantons d'engranger au moins 330 millions de plus et à la Confédération 75 millions. Le Conseil fédéral avait initialement prévu une telle mesure, mais le Parlement n'avait retenu qu'un socle de 60%, obligatoire que dans certains cas.
Même principe de base
Le coeur de la réforme ne devrait pas changer. Face à la pression internationale, la Suisse doit abroger les allégements accordés actuellement, via des statuts spéciaux, à quelque 24'000 multinationales. Pour ne pas tuer la poule aux oeufs d'or, une réglementation transitoire est prévue ainsi que de nouvelles largesses dont bénéficieraient toutes les entreprises.
Les cantons devraient notamment agir de leur côté en baissant le taux d'imposition des bénéfices. Pour compenser, la Confédération leur verserait 990 millions. Le transfert devrait se faire via une hausse de la part cantonale à l'impôt fédéral direct, de 17 à 21,2%. La péréquation financière sera adaptée.
Version allégée
L'ampleur des autres allégements devrait être revue à la baisse. Très décriés, les intérêts notionnels (déduction d'intérêts fictifs) qui auraient fait perdre 220 millions à la Confédération et de 50 à 290 millions aux cantons ont été abandonnés.
La «patent box» (imposition privilégiée des revenus des brevets) est maintenue mais sera plus ciblée. Une déduction allant jusqu'à 150% des frais de recherche et de développement reste également prévue. Mais elle serait limitée aux charges de personnel avec un supplément.
Le plafond général pour toutes les déductions a en outre été revu à la baisse. Il ne serait plus de 80% mais de 70% du bénéfice.
Davantage de transparence
Au total, la Confédération devrait affronter un manque à gagner de 915 millions de francs. Les pertes des cantons ne sont pas encore chiffrables et dépendront des mesures qu'ils prendront, selon Serge Dal Busco. Avec l'argent qu'ils récolteront en contrepartie, ils disposent d'une marge de manoeuvre de 1,32 milliard.
Lors de la campagne précédant le vote du 12 février, les opposants avaient pointé du doigt le manque de transparence sur l'application concrète de la réforme. Il est désormais prévu que les cantons légifèrent parallèlement à la Confédération.
Le Conseil fédéral doit se prononcer prochainement sur les lignes directrices. Un projet devrait être mis en consultation à l'automne, puis le Parlement saisi du dossier entre mars et avril 2018. La réforme devrait entrer en vigueur en 2019 et être appliquées dans les cantons un à deux ans plus tard.
Le conseiller d'Etat genevois en charge des finances Serge Dal Busco (PDC) explique que le nouveau projet fiscal est le résultat d'un consensus entre représentants de la Confédération et des cantons.
(nxp/ats)
Réactions diverses des partis
l'UDC, les cantons doivent préparer des projets fiscaux cantonaux individuels qui résistent à une votation populaire. Il s'agit surtout de présenter clairement les conséquences de ces réformes sur les recettes fiscales des villes et des communes ainsi que sur les contribuables de celles-ci, écrit le parti dans un communiqué.
PS, «trop de questions restent ouvertes, la hausse de l'imposition des dividendes ne va pas assez loin, les mesures de compensations sociales ne sont pas suffisantes et la correction des erreurs de la RIE II fait tout simplement défaut», écrit-il. Avec cette «RIE III bis», il sera impossible de convaincre la population de la nécessité de mettre en place des allègements fiscaux chiffrés à plusieurs milliards pour les entreprises, estime le parti.L'imposition des dividendes est en particulier insuffisante: ils devraient être imposés à 100% et non 70% comme proposé. Quant aux allocations familiales augmentées de 30 francs seulement, cela ne passe pas. Le PS veut 100 francs.
Jeunes socialistes (JS) sont eux très sévères dans leur communiqué «Des miettes pour la population, des milliards pour les multinationales». La proposition actuelle ne permet en aucun cas d'endiguer la concurrence fiscale, qui coûte chaque année des milliards aux travailleurs, selon eux.
Vertsont également réagi. Pour eux, les axes du Projet fiscal 17 présentés jeudi sont insuffisants pour répondre au Non du peuple à la RIE III. Le parti revendique une «sérieuse amélioration», notamment en limitant la sous-enchère fiscale.
Conférence des directrices et directeurs des finances des villes, l'orientation du Projet fiscal 17 est «fondamentalement la bonne». Les objectifs de l'acceptation, de l'attrait du site pour les entreprises et de la rentabilité fiscale sont «mieux équilibrés que dans le projet initial». Les villes et les communes doivent être prises en compte et le projet doit être rapidement soumis au Parlement.
Pour la faîtière des syndicats, l'USS, «Projet fiscal 17» contient des mesures sociales bienvenues. Mais il craint de voir l'impôt sur le bénéfice fortement baisser dans les cantons et les communes, et cela pour toutes les entreprises. Et encore plus qu'avec la RIE III.