ConsoColler un avertissement sur l’alcool? Les pros s’alarment
Pionnière en Europe, l’Irlande va traiter les bouteilles comme les paquets de clopes. Les viticulteurs romands disent non.

- par
- Xavier Fernandez

Au Canada, la province du Yukon a testé un étiquetage sanitaire.
«Consommer de l’alcool provoque des maladies du foie» ou encore «Il y a un lien direct entre l’alcool et les cancers mortels». Ce sont deux des avertissements qui devront figurer sur les bouteilles d’alcool commercialisées en Irlande, une loi ayant été promulguée en ce sens lundi. Du côté des producteurs européens, la levée de boucliers est totale. Néanmoins, cette nouvelle pratique pourrait bien faire des émules dans d’autres pays, dont la Suisse. «On sait que tous les trucs débiles qui se font en Europe finissent par arriver chez nous. Ce n’est donc qu’une question de temps», estime un vigneron de La Béroche (NE).
La nouvelle n’est pas non plus la bienvenue chez les viticulteurs vaudois. «Si une telle loi devait s’appliquer ici, c’est clair qu’elle ne serait pas bien accueillie. Le dégât d’image serait important, alors que le vin fait partie de la culture et de l’ADN de la Suisse. Ici, tout le monde sait qu’il ne faut pas boire excessivement. Mais, avec modération, il n’y a pas de mal à se faire du bien», considère un vigneron. Et son collègue neuchâtelois d’ajouter: «Faut arrêter la paranoïa! Le marché du vin est déjà bien assez tendu pour, en plus, ajouter des indications disant que le produit est néfaste.»
Cynthia Chabbey, directrice adjointe de Swiss Wine Valais, estime pour sa part que «toutes ces normes européennes tendent à infantiliser le consommateur. Mais que fait-on de la responsabilité individuelle, chère à la Suisse? D’ailleurs, toute notre communication est basée sur le fait que les vins du Valais sont des produits de qualité, fruit de l’artisanat. Les crus, il faut les déguster. Ce n’est pas fait pour s’alcooliser. Au final, tout est une question de quantité et de bon sens, comme avec le sucre ou le gras. C’est différent de la cigarette, qui contient des produits nocifs. Si la consommation est raisonnable, le vin ne tue pas.»
Pas de distinction entre pinard et alcool fort
Un vigneron nord-vaudois déplore également qu’il n’y ait pas de distinction entre pinard et alcool fort: «Il ne faut pas confondre les torchons et les serviettes. Les risques pour la santé ne sont pas les mêmes avec de la vodka qu’avec du vin.» En revanche, le patron de la distillerie Wanner à Couvet, pense exactement le contraire: «Si, pour une fois, toutes les boissons alcoolisées se retrouvent sur un pied d’égalité, c’est bien. Actuellement, le système est déjà bien plus restrictif avec les alcools forts. Par exemple, on ne peut pas sponsoriser de manifestation sportive, contrairement à la bière. Mais au final, en termes de santé, tout dépend de la quantité d’alcool qu’on boit.»
Romain Wanner craint néanmoins que les messages de prévention occupent trop de place sur les bouteilles. «Sur nos étiquettes, on doit déjà composer avec un logo pour les femmes enceintes, un autre pour le recyclage, la teneur d’alcool, etc. Je paie un graphiste pour me faire des étiquettes, mais avec autant d’éléments imposés, ça va devenir compliqué de faire quelque chose de bien.»
Addiction Suisse soutient la mesure
«Nous saluons cette loi. Les consommateurs ont le droit d’être informés, afin de prendre la décision de boire ou non en connaissance de cause», commente Markus Meury, porte-parole d’Addiction Suisse. Pour lui, il n’est toutefois pas «étonnant que l’industrie soit contre l’information aux consommateurs» et il ajoute que «nous sommes favorables à l’application d’une telle loi en Suisse. Le risque de cancer à cause de l’alcool est toujours peu connu dans la population, comme le risque pour un fœtus. Mais des études montrent que les icones sur les emballages doivent être suffisamment grandes pour avoir un effet.»