LausanneCombattre la maladie d’Alzheimer avec de petites poupées
Venue d’Italie dans les bagages de la professeure Patrizia D’Amelio, une méthode pour améliorer le bien-être des patients âgés atteints de troubles cognitifs sera étudiée au CHUV.
- par
- Xavier Fernandez

Patrizia D’Amelio va introduire la «Doll Therapy» au CHUV.
Chaque 25 décembre, la hotte du Père Noël est remplie de jouets par milliers, parmi lesquels de nombreuses poupées. Mais cette année, elles ne garniront pas uniquement les petits souliers des enfants. Plusieurs d’entre-elles se retrouveront dans ceux des séniors hospitalisés en gériatrie au CHUV. Plus que de simples joujoux, elles feront partie intégrante d’un traitement pour les personnes âgées atteintes de troubles cognitifs, comme la maladie d’Alzheimer.
«On leur donne la poupée, comme un cadeau. Puis, on observe les interactions que la personne aura avec elle. Si le patient a une interaction négative, ce qui peut arriver, on lui reprend la poupée. Mais, si ça se passe bien, il la garde. Par la suite, on travaillera deux heures par jour avec lui, voire plus s’il est agité», détaille la professeure Patrizia D’Amelio, qui a importé cette thérapie qu’elle a développée en Italie.
Effets bénéfiques sur l’humeur et le comportement
En théorie, ces poupées permettent au patient de diriger son attention sur un objet agréable et rassurant. La personne va lui parler, l’habiller, la porter ou encore jouer avec elle. Des études démontrent l’effet bénéfique de cette méthode sur le comportement et l’humeur. Elle réduit, chez les patients atteints de démence, des symptômes comme l’anxiété, l’agitation, l’errance, l’agressivité ou l’apathie.
Désormais, il s’agira de la tester à large échelle, la gériatrie du CHUV accueillant quelque 1000 patients par an. À terme, le but est que la poupée soit remboursée par les assurances. «Le coût n’est pas très élevé. On parle de 60 à 80 francs. Mais ce qui compte, c’est la reconnaissance du traitement», partage Patrizia D’Amelio. Le grand avantage de cette thérapie? Elle est garantie sans effets secondaires. «D’ordinaire, on donne des psychotropes aux patients, alors que leur efficacité n’est pas prouvée et qu’ils peuvent augmenter les risques de chutes ou d’hypomobilité, voire interagir négativement avec d’autres traitements médicamenteux», rappelle la spécialiste.
Retrouver un rôle d’adulte
Les familles des patients évoquent souvent la crainte que les poupées aient un effet infantilisant. Mais, selon Patrizia D’Amelio, c’est exactement le contraire qui se produit. «En s’occupant de la poupée comme d’un bébé, ils retrouvent un rôle de parent, donc d’adulte, estime-t-elle. D’ailleurs, lorsque la démarche leur est correctement expliquée, les familles la soutiennent. Mes étudiants ont aussi créé une petite vidéo, qui détaille la démarche, ainsi que les objectifs de l’étude que nous allons lancer.»
Développée pour les enfants autistes
À l’origine, ces poupées ont été créées dans les années 1990 pour les enfants autistes. «Cela leur permettait de reprendre contact avec les autres, voire développer de l’empathie», explique Patrizia D’Amelio. Puis, elles ont été utilisées aussi pour les patients soufrant de troubles du comportement. Et la «Doll therapy» a déjà franchi la porte des maisons de retraite, depuis plusieurs années. «Mais pas encore dans la gériatrie aiguë, partage la doctoresse. Le problème, c’est qu’on n’a pas assez de temps pour travailler avec les patients, alors que la poupée a besoin de temps pour être mise en place, ainsi qu’un personnel formé spécifiquement.»