Votations 28 février: Couples mariés: la réforme gênée par les traditions

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Votations 28 févrierCouples mariés: la réforme gênée par les traditions

Les Suisses doivent se prononcer le 28 février sur l'égalité fiscale des époux. Une évolution entravée par les valeurs traditionnelles, auxquelles ils sont encore très attachés.

Le PDC est à l'origine de l'initiative pour l'égalité fiscale des couples mariés soumis au vote des Suisses le 28 février.

Le PDC est à l'origine de l'initiative pour l'égalité fiscale des couples mariés soumis au vote des Suisses le 28 février.

photo: Keystone

En Suisse, les couples mariés et ceux qui vivent en concubinage ne sont pas traités de la même manière par le fisc et les assurances sociales. La difficulté d'instaurer d'autres modèles d'imposition considérés comme plus justes réside dans les valeurs traditionnelles, selon le sociologue François Höpflinger.

«Les images familiales traditionnelles sont ancrées très fortement en Suisse, y compris chez les jeunes», souligne ce spécialiste de l'âge, des générations et de la sociologie familiale. Cet attachement expliquerait une partie des résistances politiques à une nouvelle fiscalité du couple qui pourrait remplacer ce qu'on appelle la «pénalisation du mariage».

Mère au foyer: le cliché qui perdure

Après la Seconde Guerre mondiale, le modèle de la mère qui reste au foyer à s'occuper des enfants a tenu plus longtemps que dans d'autres pays. «Ce n'est qu'en Suisse qu'on a pu se permettre un tel modèle aussi longtemps, notamment parce qu'un seul salaire suffisait pour élever une famille», selon François Höpflinger.

Conséquences de ce phénomène: l'interdiction du concubinage a disparu plus tard qu'ailleurs, et l'égalité des droits des enfants nés de parents mariés ou hors mariage est advenue encore plus tard.

La Suisse peine encore à passer aux modes de vie contemporains, selon M. Höpflinger, comme à évoluer d'un pays marqué par les petites villes à un pays urbain. «De plus, les régions urbaines sont beaucoup moins bien représentées au Parlement que les campagnes».

«Retraditionnalisation»

Le renforcement des images familiales traditionnelles dans les régions urbaines a encore compliqué davantage la donne: le souhait des couples homosexuels de pouvoir se marier et fonder une famille a revalorisé le mariage. François Höpflinger parle ainsi de «retraditionnalisation».

Le politologue Georg Lutz voit quant à lui une difficulté fondamentale pour éliminer la pénalisation du mariage, comme le demande l'initiative du PDC, en votation le 28 février: derrière le système d'imposition se cachent des conceptions de la politique sociétale. L'imposition individuelle, par exemple, représente selon les milieux conservateurs des désavantages pour les familles traditionnelles.

Dans l'autre sens, les couples concernés par la pénalisation du mariage n'ont pas de lobby. «Et les intérêts des personnes mariées sont très différents selon qu'il s'agit d'un couple où les deux conjoints touchent un salaire ou un seul des deux», relève M. Lutz. Selon lui, ils ne se défendent pas, parce qu'en cas d'acceptation de l'initiative, on ne leur enlèverait rien.

Aux yeux de François Höpflinger, les opposants à l'initiative argumentent sur deux aspects: en insistant sur le fait que le texte exclut d'autres formes de partenariat, ils veulent convaincre la population urbaine de voter «non». Et en soulignant que l'Etat perdrait des recettes fiscales, ils veulent attirer les habitants des campagnes dans le camp du refus.

En 1984, le Tribunal fédéral a considéré la pénalisation du mariage comme contraire à la constitution. La Haute Cour ne peut que porter un jugement, mais elle ne peut pas exercer de pression sur le Parlement fédéral, explique Georg Lutz. Le fait que de nombreux cantons aient remédié au problème est à mettre sur le compte du fédéralisme, note le politologue.

Arguments idéologiques

La question de savoir s'il faut abolir la pénalisation du mariage divise la population et les politiciens. Selon le premier sondage publié le 22 janvier, 67% des citoyens soutiennent le texte du PDC en ce sens, alors que seuls 21% y sont opposés. Les chercheurs refusent néanmoins à se risquer à un pronostic pour le scrutin du 28 février.

Au sein des partis, ce sont en majorité des arguments idéologiques qui déterminent le positionnement pour ou contre. L'UDC et le PEV soutiennent le projet. Pour le PEV, la définition du mariage proposée par l'initiative correspond à la «définition actuelle». L'initiative demande simplement d'élaborer des solutions équitables pour éliminer la pénalisation du mariage, avait dit en novembre la présidente du parti Marianne Streiff en assemblée des délégués.

Le PLR, les Verts, le PBD et les Vert'libéraux rejettent l'initiative. Les opposants mettent en avant les coûts ainsi que la définition du mariage contenue dans le texte, qui le considère comme l'union durable d'un homme et d'une femme. Un «oui» rendrait impossible le mariage pour les couples de même sexe et il barrerait la route à l'imposition individuelle, considérée comme plus juste.

Le PS est aussi contre l'initiative. Son président a toutefois regretté que la moitié des sympathisants du PS soutiennent un «cadeau fiscal pour les riches». (nxp/ats)

(NewsXpress)

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