Blanchiment d'argent: Crainte d'une criminalisation des clients nantis

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Blanchiment d'argentCrainte d'une criminalisation des clients nantis

Les marchands d'art, horlogers et bijoutiers redoutent que la révision de l'ordonnance sur le blanchiment d'argent ne criminalise leurs clients fortunés.

Le projet d'ordonnance qui règle entre autres les obligations des négociants dans le domaine de la lutte contre le blanchiment entrera en vigueur le 1er janvier 2016. La consultation s'est terminée mercredi. Les milieux économiques critiquent le fait que l'obligation de diligence de ces commerçants va plus loin que celle des intermédiaires financiers.

L'Association Suisse des maisons spécialisées en horlogerie et bijouterie (ASHB) estime qu'il criminalise les clients qui paient cash. Les négociants seraient assimilés à des complices dans le cas où ces derniers n'interpréteraient pas correctement leurs nouvelles obligations de diligence et de communication.

Celles-ci s'appliquent aux transactions supérieures à 100'000 francs en espèces. Le commerce de détail d'articles d'horlogerie et de bijouterie en magasin spécialisé, de véhicules automobiles et d'objets d'art ainsi que la construction de bateaux de plaisance et le commerce immobilier sont concernés.

Des PME «discriminées»

L'ASHB souligne qu'il est extrêmement difficile d'identifier les transactions - rares selon l'ASHB - où l'acheteur ne serait pas l'ayant droit économique.

Procéder à des clarifications dans le cas de soupçons de blanchiment est une tâche peu réaliste pour les commerces de détail, qui ne possèdent pas de personnel formé dans ce sens.

De plus, l'ordonnance obligerait le négociant à mandater un organe de révision dès qu'une opération au comptant porte sur plus de 100'000 francs, ce qui correspond de facto à discriminer les PME et à une interdiction de facto sur de telles transactions, estime l'ASHB.

Marché de l'art sous pression

Il s'agit en particulier de soumettre à la législation les commissaires-priseurs et les salles de ventes aux enchères, ainsi que d'autres personnes qui sont chargées de vendre un bien par le vendeur. L'Association marché d'art suisse (AMAS) conteste vivement la mauvaise réputation dont est affublé le marché de l'art, comme s'il était prédestiné au blanchiment d'argent.

L'AMAS précise que le montant moyen d'une transaction s'élève à 4000 francs et que les grandes maisons de ventes aux enchères comme Christie's et Sotheby's se sont déjà volontairement soumises aux prescriptions en matière de lutte contre le blanchiment appliquées aux intermédiaires financiers.

Par contre, les nouvelles dispositions avec les frais qu'elles impliquent ne seront pas supportables pour les PME. Elles peuvent être assimilées à une interdiction d'accepter les paiements en espèces.

Soutien de l'économie

Economiesuisse soutient dans l'ensemble le projet d'ordonnance mais note que le devoir de diligence des négociants va plus loin que celui des intermédiaires financiers, ce qui prête à confusion. Même son de cloche chez l'Association suisse des banquiers, qui soutient dans l'ensemble les nouvelles dispositions qui concernent les négociants, mais estime que certains points doivent encore être adaptés et ajustés.

Le Centre patronal émet lui aussi un avis positif même s'il considère qu'il aurait été plus judicieux de différencier les ventes mobilières (montres, bijoux, voitures) - où les paiements cash sont relativement courants - des ventes immobilières, où les ventes sont presque toujours supérieures à 100'000 francs.

Tour de vis sur l'obligation de communiquer

De manière plus générale, la Fédération suisse des avocats estime que l'ordonnance renforce l'obligation de communiquer de manière inadmissible. En effet, toute opération devrait désormais être signalée s'il y a «des présomptions d'un comportement délictueux.» Pour l'instant, la loi prévoit le signalement à l'autorité compétente uniquement en cas de soupçon fondé. (nxp/ats)

(NewsXpress)

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