GenèveLes recettes du fisc explosent, l’argent pleut sur le Canton
L’Etat a annoncé un excédent record de 1,3 milliard de francs aux comptes 2022. Le Conseil d’Etat plaide malgré tout pour la prudence.
- par

Un flot d’argent se déverse à nouveau sur Genève. C’est devenu une habitude: chaque année depuis cinq ans, les comptes (l’argent effectivement rentré dans les caisses de l’Etat) annoncés en mars sont bien meilleurs que les projets de budget (les prévisions) présentés en fin d’été par le gouvernement. Mais là, c’est du jamais vu: entre le projet de budget 2022, qui tablait sur un déficit de 460 millions, et les comptes 2022, qui affichent un excédent de 1,33 milliard, le différentiel est de 1,8 milliard!
Formellement, l’excédent final n’atteint «que» 727 millions. Le Conseil d’Etat a en effet affecté 606 millions à la recapitalisation de la caisse de retraite des fonctionnaires (CPEG). L’explication de cette bonne fortune tient en une phrase: les impôts ont explosé par rapport aux prévisions. Deux chiffres clés l’illustrent: +683 millions pour les individus et +672 millions pour les entreprises.
Le commerce international en plein boum
Trois secteurs économiques se détachent. La finance, l’horlogerie et le commerce international. Concernant ce dernier secteur, la conseillère d’Etat Nathalie Fontanet (PLR) explique que de nombreuses sociétés bénéficiaient de statuts fiscaux particuliers jusqu’en 2019. Leur taux d’imposition oscillait entre 9% et 11%. Puis la réforme de la fiscalité des entreprises (RFFA) est entrée en vigueur. Et là, ce taux est passé à 13,99%. «Via la RFFA, on a augmenté la part du commerce international dans l’assiette fiscale. Avant, il fournissait environ 20% de l’impôt sur le bénéfice. En 2022, c’est 50%.»
La grande argentière souligne aussi ceci: «la pyramide fiscale des entreprises s’est modifiée. En 2021, 1% d’entre elles fournissaient 79% de l’impôt sur le bénéfice. En 2022, 0,5% en produisent 79,9%.» Elle observe donc «une grande dépendance à un petit nombre d’entreprises. Nous devons donc rester prudents.»
Le Conseil d’Etat assure être sincère
La prudence, tel est donc le mantra du Conseil d’Etat, qui se défend de toute insincérité lors des dépôts de projets de budget déficitaires. «Il faut rappeler la façon dont ils sont estimés, argumente Nathalie Fontanet. Le budget 2022 est voté fin 2021. Nous avons toujours la même méthode: nous interpelons deux fois par an les cent plus grandes entreprises via un sondage, et nous nous fondons sur le PIB. En 2021, nous étions en pleine crise du Covid», et les sociétés se sont montrées pessimistes.
«On doit se dire qu’on a de la chance», juge-t-elle. Le Vert Antonio Hodgers ajoute que «l’on ne peut pas parler d’insincérité mais de prudence». Nathalie Fontanet le contredit. «Ce sont les entreprises qui sont prudentes, pas nous.» Mais c’est un fait, les résultats sont «systématiquement» meilleurs que les projections, admet l’écologiste. Cette réalité pousse Genève à la réflexion. «Nous étudions, avec d’autres cantons dans une situation comparable, si nos méthodes en période de crise sont les bonnes», indique Nathalie Fontanet.
Le paradoxe de l’aide sociale non utilisée
C’est un paradoxe. Le 21 mars, le Centre social protestant s’alarmait de la précarité en hausse. Il notait notamment que le recours aux aides alimentaires explosait. Or, le budget que Genève avait affecté à l’aide sociale n’a pas été entièrement utilisé: 81 millions n’ont pas été dépensés. «Il n’y a pas moins d’aide sociale qu’avant, mais moins que prévu», a expliqué la conseillère d’Etat Anne Emery-Torracinta (PS). Par ailleurs, si l’on peut déduire des constats du CSP que les très bas revenus peinent, les revenus moyens inférieurs, eux, semblent mieux se porter: en 2021, 36,3% de la population genevoise ne payait aucun impôt sur le revenu. En 2022, cette proportion était très légèrement inférieure: 35,9%.