Suisse: Des crématoires revendent les dents des morts

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SuisseDes crématoires revendent les dents des morts

En Suisse, deux crématoriums récupèrent les prothèses en or appartenant aux défunts pour les revendre. Une pratique qualifiée de «sensible» par certains membres de la branche.

par
Olivia Fuchs
Selon une étude allemande, 2,2 grammes d'or sont récupérés au cours d'une crémation.

Selon une étude allemande, 2,2 grammes d'or sont récupérés au cours d'une crémation.

L'année passée, le crématoire de Soleure s'est offert une nouvelle installation. Celle-ci permet de récupérer automatiquement les métaux précieux des cendres. «Dans la grande majorité des cas, c'est de l'or que nous retrouvons. Mais des fois, nous récupérons aussi de l'argent ou du platine», explique le gérant Michael Streun. Les métaux, qui proviennent soit des dents soit des bijoux des défunts, sont ensuite revendus à des orfèvres. L'année dernière, l'établissement a ainsi obtenu 35'000 francs qui ont été investis dans le financement des cimetières du canton, a révélé mardi l'émission «Kassensturz».

Le crématorium de Rüti (ZH) revend chaque année des métaux précieux pour une valeur allant de 5000 à 7000 francs. Mais, contrairement à ses collègues soleurois, l'entreprise zurichoise récupère uniquement les bouts de métaux qui restent coincés. L'argent sert à soutenir des organisations de soins palliatifs.

A Fribourg, le centre funéraire ne récupère pas les dents en or. Les fours ne le leur permettent pas. «C'est beaucoup trop petit. On ne les verrait même pas», explique un employé. L'établissement récupère uniquement les prothèses en titane. Une entreprise spéciale se charge de les faire fondre.

La pratique est similaire au Centre funéraire de Montoie, à Lausanne. «Les fours crématoires fonctionnent selon le même principe qu'un poêle à bois», explique le préposé aux inhumations de la ville de Lausanne, Jean-Pierre Sanga. A l'issue de la crémation, les cendres - principalement composées d'ossements et de cendres de bois provenant du cercueil - sont amenées vers l'installation d'affinage. «A ce stade, nous retirons exclusivement les parties métalliques ayant servi à la construction du cercueil ainsi que les éventuelles prothèses orthopédiques. Ensuite, les cendres, et ce qu'elles pourraient contenir, sont affinées et conditionnées dans un sachet ou une urne», poursuit Jean-Pierre Sanga. Il rappelle qu'en fondant, l'or devient mat et gris. «Il n'est donc pas forcément apparent après l'incinération et reste dans les cendres qui sont remises aux familles.»

L'équipe de «Kassensturz», qui affirme avoir contacté la totalité des crématoires en Suisse, souligne que les autres établissements du pays renoncent à revendre et à récupérer les dents des défunts. Bernhard Meister, gérant du crématorium de Bâle, estime que ces métaux appartiennent aux défunts. Selon Alexandra Rumo-Jungo, professeure en droit civil à l'Université de Fribourg, c'est à la famille des morts de décider ce qui se passe avec les dents: «Ça fait partie de l'héritage».

A Soleure, aucune autorisation n'a été demandée jusqu'à présent auprès des proches. Mais le gérant a promis que cette pratique allait changer. Le sujet intéresse aussi l'association suisse des crématoires. Celle-ci est actuellement en train d'élaborer un code éthique.

Des dents pour plusieurs millions de francs

Environ 80% des Suisses se font incinérer. Selon une étude réalisée en Allemagne, 2,2 grammes restent en moyenne après chaque crémation. Avec les 53'000 crémations réalisées chaque année dans notre pays, cela signifie que plus de 3 millions de francs en or finissent tous les ans dans les urnes.

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