
Au Québec, la faune sauvage et les humains cohabitent. Un petit cerf de Virginie dans les jardins de l’hôtel Quintessence, à Mont-Tremblant.
Voyage au QuébecDes vacances loin du monde, au pays des trappeurs
La province francophone du Canada accueille des vacanciers qui s’exilent sur les terres des trappeurs et des chasseurs. Ils jouissent de la privatisation d’un lac, dans la forêt aux couleurs de l’automne.
La chasse à l’orignal a pris fin à la pourvoirie Mekoos (une pourvoirie est une structure hôtelière proposant des prestations pour la chasse et la pêche). Quelques poils de cervidé sont emportés par le vent devant le chalet Le Brûlé. C’est tout ce qu’il reste de la prise des chasseurs. Eux-mêmes ont déguerpi la veille, lundi 10 octobre, jour de l’Action de grâce qui est férié au Canada. En louant cette résidence de vacances pieds dans l’eau, perdue au milieu d’une forêt des Laurentides, région du Québec, ils bénéficient de la privatisation du lac adjacent où ils peuvent notamment pêcher la truite mouchetée (omble de fontaine). Mekoos comprend 135 lacs et s’étend sur 346 kilomètres carrés. À titre de comparaison, la superficie du canton de Genève est de 283 kilomètres carrés.

À la pourvoirie Mekoos, quand on loue un chalet isolé, comme Le Brûlé, on bénéficie de la privatisation du lac du même nom.
Ici, le smartphone ne capte aucun signal. L’établissement fournit, sur demande, un téléphone satellite. La clientèle détermine le rythme de l’intervention du personnel préposé au ménage. Elle indique aussi si elle souhaite être réapprovisionnée en eau potable (un jerrycan dans la cuisine) et en bois de brûlage. Certains visiteurs renoncent à ces prestations parce qu’ils veulent être seuls au monde. Ce chalet isolé dispose de sa propre piste d’atterrissage pour un hélicoptère ou un petit avion. Un hydravion peut aisément se poser sur le lac. Ce logement, avec douche chaude mais sans télévision, incarne le rêve du citadin du XXIe siècle qui, à bon compte (env. 145 francs par jour, par personne, permis de pêche inclus), rompt avec la civilisation et fait corps avec la nature.

Air Mont-Laurier dépose un client à la pourvoirie Mekoos pendant que des chasseurs français plument des bécasses.
Le Brûlé est situé à 16 kilomètres au nord du chalet principal qui abrite un restaurant, un bar, un jacuzzi et le personnel. C’est le seul endroit où l’on capte internet et les appels téléphoniques. La construction en bois est entourée d’une dizaine d’hébergements éparpillés sur la même rive du lac Iroquois. Pour l’atteindre depuis l’un des trois logements perdus dans les bois, on roule en quad parmi les érables habillés de rouge et les bouleaux parés d’or. La mi-octobre clôt la saison des couleurs, période automnale de deux à trois semaines où les feuilles flamboient.
Sur les sentiers, on croise des gélinottes et des perdrix qui devraient prendre garde aux prédateurs en tenue de camouflage: la chasse au petit gibier à plume vient de commencer. Pendant ce temps, les ours noirs se préparent à hiberner. Ils ne sont la cible des fusils qu’en mai et en juin. Le collet d’un trappeur peut toutefois leur être fatal, surtout en cette saison où leur fourrure est prisée parce qu’elle est dense.

Carl Blondin, trappeur, tanneur, guide de chasse et taxidermiste pose, à la pourvoirie Cécaurel, avec les fourrures des animaux qu’il a piégés.
Le trappage fait aussi partie des activités typiques du Québec accessibles aux touristes. La pourvoirie Cécaurel, un peu plus au sud de Mekoos, a recours aux services de Carl Blondin, 48 ans, trappeur, tanneur, guide de chasse et taxidermiste. Il piège les mammifères sauvages: ours, coyote, renard, castor, lynx, loup, mouffette, martre, pékan, raton laveur, entre autres. Le gaillard est intarissable quand il parle de son métier qui consiste aussi à intervenir chez des particuliers pour évacuer un nuisible, comme un raton laveur, pour le reloger dans son habitat naturel.
Pâté d’ours et orignal basse température
Conscient de la controverse générée par sa pratique, Carl Blondin balaie toute critique en racontant avoir reçu la visite d’activistes de Greenpeace: «Ils n’ont rien trouvé à redire. L’animal meurt en moins de trois secondes sans souffrance grâce à des pièges conçus à la suite des réclamations de la fondation Brigitte Bardot.» Des mesures qui ne convainquent pas une voyageuse végétarienne, en larmes après avoir écouté l’exposé du trappeur. Comme elle, une partie des clients des pourvoiries ne tuent aucune bête et vivent l’expérience en villégiature uniquement. Ensuite, libre à chacun de déguster les mets offerts parfois par des trappeurs (la vente de la viande d’animaux sauvages est interdite): pâté d’ours, orignal sauce grand veneur cuit à basse température pendant 12 heures. «La chair la plus tendre du monde», assure Carl Blondin, qui l’a fait mijoter et en sert de généreuses parts aux convives excités par sa cuisine exotique. Le Québec recense quelque 8000 piégeurs.

Gaspar Bourque, trappeur âgé de 74 ans, dans une cabane au bord du lac Sacacomie, en Mauricie.
Lire la suite de notre reportage au Québec, «Les vacanciers dorment dans le parc près des ours et des loups», dès mardi 18 octobre à 7 heures.
Le voyage a été offert par Bonjour Québec et Air Canada pour réaliser ce reportage. En collaboration avec ses partenaires de Star Alliance, la compagnie aérienne propose cet automne jusqu’à 30 vols par semaine entre la Suisse et le Canada. Au départ de Genève, Air Canada propose, six fois par semaine, un vol sans escale à destination de Montréal.