Crise politique au Salvador Destitution des juges de la Cour suprême
Le Parlement salvadorien a voté la révocation des juges de la Cour suprême, hostiles au président. L’opposition dénonce un putsch.

Les députés du parti au pouvoir Nuevas Ideas votent pour révoquer des juges de la Cour suprême lors de la première session plénière de l'Assemblée législative à San Salvador, le 1er mai 2021.
Une tempête politique secoue le Salvador après le vote par le Parlement de la révocation des juges de la Cour suprême hostiles au président Nayib Bukele, une décision qualifiée de putsch par l’opposition et qui suscite des inquiétudes internationales. Les alliés du président, qui ont ravi la majorité absolue depuis des élections en février, ont destitué, lors de leur investiture samedi, l’ensemble des magistrats de la chambre constitutionnelle de la Cour suprême pour avoir émis des jugements «arbitraires». Les parlementaires ont aussi voté la destitution du procureur général du Salvador, Raul Melara, considéré comme proche d’un parti d’opposition.
«Et le peuple du Salvador, à travers ses représentants, a dit : DESTITUES !», s’est félicité Nayib Bukele, au pouvoir depuis 2019 dans ce pays d’Amérique centrale où il a bousculé la classe politique traditionnelle, discréditée par des affaires de corruption. Populaire pour sa volonté de combattre le crime organisé et l’insécurité, le président de 39 ans s’était opposé plusieurs fois à la Cour suprême et au parquet général. Les juges évincés, dont les remplaçants ont été aussitôt désignés par les parlementaires de la majorité, ont refusé de quitter leur poste, invoquant «l’inconstitutionnalité du décret de destitution».
«Coup d’Etat»
Minoritaires au Parlement, le parti de droite Arena et l’ex-guérilla d’extrême gauche du Front Farabundo Martí pour la libération nationale (FMLN) ont dénoncé de concert une tentative de putsch. «Ce qui s’est passé cette nuit à l’Assemblée législative avec une majorité que le peuple s’est donné à travers le vote est un coup d’Etat», a réagi René Portillo, élu d’Arena au Parlement. «En tant que groupe parlementaire, nous ne serons pas complices de ce coup d’Etat», a renchéri Anabel Belloso, une de ses collègues du FMLN.
Plusieurs ONG ont également tiré la sonnette d’alarme. «C’est une situation qui comporte un risque profond. On est en train de jouer avec le feu et cela peut donner à cette crise une telle magnitude qu’on ne pourra pas en sortir», a confié Miguel Montengro, coordinateur de la Commission des droits humains. Selon le directeur exécutif de Human Rights Watch, José Miguel Vivanco, «Bukele rompt avec l’Etat de droit et tente de concentrer tout le pouvoir dans ses mains». Julie Chung, du département d’Etat américain, a également lancé un avertissement: «L’existence d’une relation forte entre les Etats-Unis et le Salvador dépendra de la volonté du gouvernement du Salvador de défendre la séparation des pouvoirs et de soutenir les normes démocratiques», a affirmé la diplomate.