Genève: DIP épinglé pour sa gestion des risques après les cas de maltraitance

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GenèveDIP épinglé pour sa gestion des risques après les cas de maltraitance

Un audit, lancé à la suite du scandale au foyer pour jeunes autistes de Mancy, a mis en évidence la faiblesse des dispositifs du département de l’instruction publique. 

D’importantes dérives ont été signalées au foyer pour autistes de Mancy l’an dernier. 

D’importantes dérives ont été signalées au foyer pour autistes de Mancy l’an dernier. 

20min/Sébastien Anex

Communication lacunaire, notion du risque floue, coordination et pilotage insuffisants, culture de sanction et peur de la hiérarchie. Le tableau dressé mardi par la Cour des comptes au sujet de la gestion des risques et des alertes du Département de l’instruction publique, de la formation et de la jeunesse (DIP) est peu reluisant. Si la Cour a constaté l’existence de dispositifs et leur conformité, elle a pointé du doigt leur mise en œuvre limitée et par conséquent, leur inefficacité dans certains cas.

Intervenir en amont de la crise

L’affaire du foyer de Mancy, qui accueille de jeunes autistes, en a été la triste conséquence. Maltraitance, surmédication, infrastructures inadaptées, personnel surmené. Il a fallu que la presse dénonce ces faits, au printemps 2021, pour que les choses bougent. Comment en est-on arrivé là ? C’est la question à laquelle la Cour a répondu, sans toutefois que l’audit, lancé en mars dernier, ne porte sur ce cas précis.

Son rapport relève que le DIP confond risque et crise. «Il qualifie de risque une situation problématique qui est avérée. Comment prendre des mesures pour éviter un événement si celui-ci est déjà réalisé? A ce stade, il n’est plus question de risque, mais de gestion de crise. Or, le dispositif n’est pas conçu pour cela», a résumé la magistrate à la Cour des comptes, Isabelle Terrier.

Sans coordination, pas de solution

Autre problème: la gestion des risques majeurs (plus haut niveau de gravité) qui nécessitent l’intervention de plusieurs départements. «La mise en œuvre du plan d’action est bloquée en raison du manque de coordination et de pilotage des démarches transversales.» Le déficit de structures pour jeunes présentant de graves troubles psychiques, qui requiert une collaboration entre le DIP et le département des infrastructures, en est le parfait exemple. «Cela fait huit ans que ce risque, qualifié de majeur, a été identifié. Pourtant, aucune solution adéquate n’a été trouvée.» 

La peur empêche de tirer l’alarme

En matière d’alerte, un outil permettant de signaler les faits graves liés à la maltraitance existe, mais une fois encore, il est insuffisant. En effet, ni l'anonymat du lanceur d’alerte ni l’indépendance du traitement ne sont garantis. «Le signalement par la voie hiérarchique constitue un risque potentiel de sanction pour les collaborateurs. Il est aussi possible que l’alerte ne remonte pas plus haut, si le supérieur décide de bloquer le processus». A cela s’ajoute «un climat de défiance envers la hiérarchie au sein de l’Office médicopédagogique, ce qui freine la communication. Il faut développer une culture qui incite les gens à dénoncer des événements indésirables, sans peur de représailles. Cela implique une reconnaissance du droit à l’erreur», souligne Isabelle Terrier.

Suivi des alertes impossible 

Etre capable d’identifier les situations problématiques semble également difficile. Preuve en est le résultat d’un questionnaire soumis aux collaborateurs. Parmi les répondants, un tiers confie ne pas savoir quel incident doit être rapporté ou non. Enfin, la Cour des comptes a mis en lumière l’absence d’un système d’information centralisé qui recense les alertes, rendant impossible un suivi adapté.

Enorme chantier en vue

La Cour a formulé sept recommandations pour redresser la barre. Le DIP en a accepté six et a refusé celle portant sur la mise en œuvre de la méthodologie de gestion des risques. «Sur le fond, il est clair que nous allons travailler à améliorer notre dispositif», c’est sur la forme que le Département a une autre approche et préfère continuer de faire à sa manière, pour «éviter l’usine à gaz», confie Paola Marchesini. Pour le reste des critiques, la secrétaire générale du DIP n’est pas surprise. «Nous avons la même lecture que la Cour. Son rapport va nous aider à poursuivre un travail qui est déjà entamé.» En effet, un plan d’action sur quatre ans a été annoncé l’été dernier. «C’est un énorme travail qui nous attend.» La priorité pour la responsable: améliorer la «culture d’entreprise. Il faut renforcer le taux d’encadrement managérial sur le terrain afin de créer un lien de confiance entre le personnel et la hiérarchie.»  

En janvier, la politique s’en mêle

A l’origine de cet audit: une demande de la sous-commission «Foyer de Mancy», du Grand Conseil, créée pour passer à la loupe cette affaire. Cette dernière devrait communiquer les résultats de son travail début 2023, «sous une perspective plus politique», a annoncé son président, Cyril Allen.  De son côté, la Cour des comptes s’est focalisée sur trois entités du DIP: le secrétariat général, l’office médico-pédagogique et l’office de l’enfance et de la jeunesse, soit plus de 2000 collaborateurs. Au total, plus de 800 personnes ont répondu au questionnaire en ligne et 30 entretiens ont été menés, dont 8 avec des lanceurs d’alerte. 

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