SuisseDivorcer sans avoir de boulot, de plus en plus compliqué
Avoir plus de 45 ans après une séparation n’exonère pas de travailler, a dit le Tribunal fédéral.
- par
- Jérôme Faas

Le Tribunal fédéral tente de faire coïncider jurisprudence et réalité sociale.
«Aujourd’hui, on ne peut plus se dire: je divorce, je vais avoir une contribution d’entretien. Ça, c’est fini», résume Me Bernard Nuzzo. En février 2021, le Tribunal fédéral (TF) a adopté une nouvelle jurisprudence, peu médiatisée. Il a enterré la «règle des 45 ans», qui stipulait qu’à partir de cet âge, il n’était plus possible d’exiger d’un ex-conjoint la reprise d’une activité professionnelle.
Dans les faits, plusieurs cantons, dont Genève et Vaud, s’en étaient déjà affranchis, fixant la barre à 50 ans. «Le juge pouvait en outre s’en écarter, mais il devait le justifier», précise Me Nuzzo. Il n’aura plus à le faire: l’âge n’est plus dorénavant qu’une variable parmi d’autres, notamment: l’état de santé, les langues parlées, la formation, le marché du travail, etc. «Ça colle à la réalité sociale actuelle. Cette décision sur l’âge est en droite ligne des précédentes (ndlr: lire l’encadré).» L’une des conséquences est qu’«une pression nouvelle est exercée sur les femmes pour qu’elles travaillent», estime l’avocat.
Vice-président de la Cour d’appel civile vaudoise, Patrick Stoudmann explique que la règle des 45 ans concernait surtout les conjoints sans activité lucrative avant le divorce. Son abandon n’impactera donc que ceux-ci, minoritaires. Il rappelle par ailleurs que le critère de l’âge «n’est pas purement et simplement supprimé». Mais il s’intégrera à l’appréciation «concrète» de la situation. «L’âge est l’un des critères mais de loin pas le seul», confirme Véronique Hiltpold, présidente du Tribunal civil genevois. Si elle ne se prononce pas sur le désavantage supposé de cette nouvelle règle pour les femmes, son homologue vaudois, lui, l’écarte. «On ne peut pas dire que cette nouvelle jurisprudence soit à l’avantage des hommes. Elle se limite à prendre en considération les possibilités de chaque époux de financer lui-même son entretien.»
Des mutations pour coller à la société
La loi et la jurisprudence ont subi récemment divers toilettages pour coller aux évolutions sociales. On peut noter la contribution d’entretien due à la mère pour les papas séparés, et plus seulement pour les pères divorcés - consacrant le fait que le mariage n’est plus qu’un modèle parmi d’autres. Et le fait que le parent qui a la garde (souvent la mère) est censé travailler (à 50%) dès la scolarisation de l’enfant, soit dès ses 4 ans, contre 10 ans avant. «Le TF va vers une autonomie après le divorce, un principe qui était déjà prévu par la loi», observe Me Nuzzo.