Qualifications Brésil 2014Du Lausanne-Sport à Tirana
Natif de Lausanne et Kosovar d'origine, Migjen Basha affrontera la Suisse vendredi à Tirana. Le demi de Torino s'est prêté au jeu de l'interview.
- par
- Marc Fragnière
- Tirana
Migjen Basha espère mener la vie dure à la Suisse.
La Suisse est leader de son groupe. Il ne lui manque qu'un point pour assurer son voyage au Brésil.
Selon vous Migjen, la Nati est-elle vraiment l'équipe la plus talentueuse de la poule E des éliminatoires ?
Oui. La Suisse est une grande équipe avec des joueurs talentueux qui jouent dans les plus gros championnats d'Europe. Si elle est en tête du groupe, c'est qu'elle le mérite. Dans cette poule, la Suisse évolue à un niveau au-dessus par rapport aux autres équipes.
Quelles sont ses forces, ses faiblesses ?
La Suisse possède en ses rangs des joueurs qui peuvent faire la différence a tout moment. Peut-être que cela peut l'inciter à nous sous-estimer. Elle n'a besoin de plus qu'un point pour aller Brésil. Peut-être sera-t-elle tentée de tomber dans la facilité face à nous. Voilà qui pourrait s'avérer être une faiblesse.
L'Albanie traverse une mauvaise passe. Elle n'a engrangé qu'un point lors de ses trois dernières sorties. A-t-elle les moyens de rebondir contre la Suisse ?
Nous avons comptabilisé un seul point en faisant de très bons matches. Avec un peu de chance aujourd'hui on ne serait pas à 10 points. Si on se remémore les matches, les Norvégiens avaient égalisé à la 88e alors qu'ils n'avaient pas adressé le moindre tir au but avant. En Slovénie aussi, on perd sur la seule occasion de nos adversaires. On a manqué de chance, mais c'est le foot. Malheureusement, au final, l'équipe qui s'est montrée la plus entreprenante ne l'emporte pas toujours. Maintenant, à nous de montrer ce que l'on sait faire contre la Suisse.
Dans son contingent l'équipe de Suisse possède plusieurs joueurs de souche albanophone. Comme vous, Xherdan Shaqiri, Granit Xhaka et Valon Behrami sont d'origine kosovare tandis qu'Admir Mehmedi, Blerim Dzemaili et Pajtim Kasami sont issus de la minorité albanophone de Macédoine. Cela semble poser problème en Albanie que ces joueurs, qui ont pourtant grandi et ont été formés en Suisse, aient opté pour la Nati. Pourquoi ?
Pour les supporters albanais le choix d'avoir choisi la Suisse c'est une forme de trahison envers leur pays, c'est très mal vu ici en Albanie.
En étudiant la liste des sélectionnés albanais pour le match contre la Suisse, on constate que la majorité d'entre eux possède deux passeports. Dans cette situation, qu'en est-il du sentiment d'appartenance. Est-il galvanisé ou au contraire émoussé ?
A partir du moment ou on a choisi de jouer pour l'Albanie, le deuxième passeport n'a pas trop d'importance. Seule la fierté de représenter nos couleurs en a.
Il y a un peu moins d'un an, vous sembliez résigné à l'idée de renoncer à une carrière sur le plan international. Du côté suisse, il y avait la forte concurrence à votre poste où Valon Behrami, Blerim Dzemaili, Göhkan Inler, Pirmin Schwegler et Gelson Fernandes semblent indéboulonnables. De l'autre côté, vous ne pouviez pas envisager d'être sélectionné avec l'Albanie pour des raisons « juridiques ». Le dossier a évolué puisque vous pouvez désormais être aligné avec l'Albanie depuis l'hiver dernier. Pouvez-vous expliquer comment la situation s'est décantée ?
D'après ce que j'ai compris de cette situation extrêmement complexe, mon problème était lié à la Fifa. La Fédération n'acceptait pas que je représente l'Albanie tant qu'elle n'était pas en possession d'un document qui prouve que je suis Albanais. Heureusement pour moi j'ai réussi a résoudre ce problème après trois ans et demi d'attente.
Vous êtes né à Lausanne, vous avez défendu les couleurs de la Suisse en sélection juniors. Maintenant vous représentez l'Albanie. A quoi penserez-vous lorsque les deux hymnes nationaux retentiront, vendredi à Tirana ?
Lorsque l'hymne helvétique débutera, je me souviendrai du passé. De ce que j'ai vécu avec les juniors suisses. Quand celui de l'Albanie retentira, je ressentirai la fierté de porter l'Aigle bicéphale sur mon cœur.
Votre frère, Amir Abrashi et Taulent Xhaka ne s'en cachent pas: ils ont opté pour l'Albanie un peu par défaut. Parce qu'il était plus facile d'être sélectionné avec elle que d'attendre une très éventuelle convocation d'Ottmar Hitzfeld. Pajtim Kasami a attendu et vient d'être sélectionné par Hitzfeld. Y a-t-il finalement un choix « plus juste » qu'un autre ?
D'abord, je ne pense pas que c'est par défaut que les joueurs précités aient opté pour l'Albanie. C'était leur décision, leur premier choix (ndlr : des propos non corroborés par les intéressés dans les interviews accordées aux médias suisses, une fois leur décision prise). Ils étaient impatients de venir jouer pour l'Albanie. Quant à Kasami, il a fait un autre choix. Et cela ne nous regarde pas. L'affection que le peuple albanais donne aux joueurs qui le représentent. les autres ne pourront jamais le comprendre.
On a clairement l'impression que les médias albanais font de la surenchère pour mettre la pression sur les Albanophones de l'équipe de l'équipe de Suisse. Ils l'avaient déjà fait à l'aller. Du côté des joueurs, on imagine que les « Suisses » de l'équipe d'Albanie se fichent un peu de cela… D'autant plus que les relations entre Suisses-Albanais et Albanais-Suisses sont plutôt cordiales. Tout le monde se connaît et l'ambiance est bonne. Est-ce juste ?
C'est normal que les Albanaphones de la Nati soient très attendus ici. Je pense que les gens ne leur pardonneront jamais d'avoir choisi un autre pays que l'Albanie. Entre joueurs il n'y aucun problème. Ou alors, je ne suis pas au courant. Sur le terrain vendredi, chacun s'affairera pour le bien de son équipe. Personne n'aura le temps de penser à autre chose.