GenèveEducation sexuelle: «Vers des cours impersonnels et hors réalité»
Les professionnels chargés d’intervenir dans les écoles estiment que la réforme de leur fonction va nuire aux prestations. Le Canton y voit une amélioration.
- par
- Leïla Hussein

Le Département d’instruction publique voit en cette restructuration une amélioration, dans la mesure où elle va permettre une augmentation du nombre de cours d’éducation sexuelle.
Les professionnels chargés des cours d’éducation sexuelle de l’école primaire au post-obligatoire sont montés au créneau, lundi, pour dénoncer «une réforme nuisible». Cette dernière prévoit la dissolution pure et simple de leur fonction actuelle, soit celle de formateur consultant en promotion et éducation à la santé (FCPES). A la place, le Département de l’instruction publique genevois (DIP), veut répartir l’équipe en deux: d’un côté des maîtres spécialistes, qui seront chargés des interventions auprès des élèves, de l’autre, des responsables de formation et de projets, qui travailleront sur des programmes spécifiques et formeront les enseignants.
Des activités complémentaires
«Ce morcellement des tâches va induire un appauvrissement des prestations», regrette Marie-Laure, déléguée du syndicat des services publics de Genève (SSP) et du syndicat interprofessionnel des travailleuses et travailleurs (SIT). Car pour ces spécialistes de la santé sexuelle, les deux activités sont complémentaires. «On a besoin de ces allers-retours entre les élèves et le réseau externe pour élaborer des projets en accord avec la réalité quotidienne des jeunes et leur proposer des cours qui répondent à leurs besoins», explique Vanessa déléguée syndicale. «La santé sexuelle est une thématique qui est en constante évolution», rappelle Marie-Laure. «Comment peut-on proposer des prestations adaptées sans être en contact avec la réalité du terrain. On va vers des cours impersonnels et hors réalité», résume leur confrère, Raphaël. Courant février, les employés devraient recevoir une lettre leur indiquant que leur fonction a été supprimée.
Face aux craintes de ces employés, le DIP précise que les futurs maîtres spécialistes interviendront en classe «50% de leur temps et pourront, entre autres, adapter le contenu de leurs leçons au contexte de la classe durant le 50% restant.» Il rappelle qu’une recommandation de la Cour des comptes, ainsi que du Service d’audit interne de l’Etat ont mis en évidence la nécessité de revoir l’organisation du temps de travail des FCPES.
Soutien d’organisations actives dans la santé sexuelle
Ainsi à l’unanimité, les vingt-quatre formateurs consultants en promotion et éducation à la santé du canton ont interpellé Anne Emery-Torracinta, conseillère d’Etat chargée du DIP, demandant l’abandon de cette réforme qui met selon eux «en péril la qualité des cours». Une pétition sera lancée mardi pour sensibiliser les parents et les enseignants à cette problématique. Les FCPES ont déjà eu le soutien de diverses organisations actives dans le domaine, telles Santé Sexuelle Suisse, ainsi que des conseillères de l’unité de santé sexuelle et planning familial de Genève.
Plus d’heures d’éducation sexuelle
De son côté, le DIP voit en cette restructuration une amélioration, dans la mesure où elle va permettre une augmentation du nombre de cours d’éducation sexuelle. «Aujourd'hui, des cours d'éducation sexuelle et de promotion à la santé sont dispensés tous les deux ans depuis la 4e primaire jusqu'à la première année de l'enseignement secondaire II (15-18 ans). La réforme proposée permettra de donner ces enseignements à toutes les classes, chaque année, de la 3P à la 3e année de l’enseignement secondaire II, enseignement spécialisé compris. Au total, cela représente douze heures supplémentaires de cours par élève», relève le DIP. Les FCPES se réjouissent de cette hausse, mais pointent du doigt une révision qui prévoit une charge de travail supplémentaire, sans engagements prévus. «On veut faire plus avec moins», souligne Me Christian Dandrès, qui soutient les professionnels en sa qualité d’avocat.
Enfin, le DIP se veut rassurant et insiste sur le fait «qu’aucun poste de travail ne sera supprimé. Chaque collaborateur et collaboratrice actuellement en poste aura la possibilité de formuler un vœu d’affectation à l’une ou l’autre des deux nouvelles fonctions. Les salaires actuels sont garantis».