Elections fédérales Imprévus et ping-pong du pouvoir: bilan d’une législature chahutée
Alors qu’en 2019 les femmes et les écologistes avaient le vent en poupe, l’actualité est venue bouleverser l’agenda et a transformé les rapports de force. Bilan de quatre ans d’une législature inédite.

Pandémie, guerre en Ukraine ou encore chute de Credit Suisse ont bouleversé l’agenda politique des partis représentés au parlement. Bilan des rapports de force durant ces quatre dernières années.
Au lendemain des élections en 2019, les écologistes triomphaient, et le parlement se réveillait plus jeune et plus féminin qu’il ne l’avait jamais été. Les gagnants se réjouissaient de pouvoir infléchir l’agenda politique au moyen de ces nouveaux rapports de force, comme l’avait fait l’UDC avec son résultat record en 2015. Mais l’actualité est passée par là, forçant le pouvoir à changer de mains à plusieurs reprises, bouleversant les «fenêtres d’opportunité» que recherchent les partis pour faire avancer leurs idées. Le politologue de l’Unil Andrea Pilotti analyse pour nous le bilan de cette législature.
Pandémie et non à la loi CO2: le PLR reprend la main
Alors que les Verts et les Vert’libéraux avaient la main fin 2019, le chamboulement de nos vies en 2020 a modifié les priorités: la santé et l’économie avant le climat. Les milieux patronaux, et donc le PLR, ont pu porter leur voix, plus à l’aise sur les questions de finances publiques devenues primordiales, et plus habitué à manier l’agenda politique sur les thèmes économiques. Des élections cantonales, notamment vaudoises, confirment ce revirement.

La pandémie de Covid-19 aura été au coeur des débats durant toute la législature.
A l’été 2021, le refus de la première loi sur le CO2 vient porter un nouveau coup aux écologistes. «Leur conception n’a pas séduit, ils sont désormais perçus comme le parti des taxes et des mesures trop coercitives», décrit Andrea Pilotti.
Le parti socialiste a toutefois su saisir l’opportunité de cette période où les bourses se sont largement déliées pour soutenir l’économie en pleine pandémie. Face à ces dépenses publiques colossales, il a tenté de remettre en question les coupes récurrentes dans le social ou l’éducation, ses thèmes phares.
Guerre en Ukraine et chute de Crédit Suisse: Avantage pour l’UDC
Le premier parti du pays avait perdu beaucoup de plumes, faisant une chute inédite dans l’histoire suisse après un résultat record en 2015. Sa thématique phare, la migration, avait perdu en importance dans le débat. Mais le début de la guerre en Ukraine lui a redonné du poids en donnant de l’écho à ses positions, auxquelles s’ajoute aujourd’hui la question de la neutralité. Le thème des migrants, lui, est toutefois devenu moins polémique dans ce contexte.
L’actualité a également ringardisé temporairement la lutte des socialistes contre le budget de l’armée, déjà battus à une très courte majorité sur le thème des avions de combat en 2020.
Le PLR, identifié comme le «parti des banques», a été mis en difficulté par la chute de Credit Suisse, tandis que l’UDC a su y voir une «fenêtre d’opportunité» pour imposer sa vision de l’«exception suisse»; celle-ci a été remise en question suite aux erreurs de managers étrangers ayant précipité sa dégringolade.
Retraites: la gauche coupée dans son élan
Alors que le PS surfait sur une bonne vague sur de nombreux thèmes de société comme la pénalisation de l’homophobie, le congé paternité ou le mariage pour tous, il s’engageait avec courage et confiance contre la hausse de l’âge de la retraite des femmes fin 2022. Mais son acceptation par le peuple lui a coupé les ailes. «Cela a rassuré la droite, qui s’apprêtait à devoir intégrer davantage les revendications de la gauche dans ses compromis parlementaire, analyse Andrea Pilotti. Mais ce résultat lui a envoyé le message que, finalement, il n’était pas nécessaire de changer sa façon de négocier».
Les thèmes qui agacent, une stratégie porteuse?
Alors que l’UDC a fait de l’«anti-wokisme» un de ses thèmes de campagne, cet angle d’attaque contre les «éveillés» des discriminations ne lui suffira pas à gagner beaucoup d’électeurs, estime Andrea Pilotti. «Cela peut renforcer les électeurs fidèles, mais ça ne suffira pas à capter une part importante des «électeurs d’opinion», qui sont le plus gros défi des partis à l’approche des élections.»
La question du militantisme climatique rejoint ce thème dans la mesure où il suscite débat et agacement chez une partie de la population. Leurs actions parfois perçues comme coercitives pourraient desservir les Verts au profit des Vert’libéraux, à l’heure où tous les partis se mettent à leur manière à parler d’écologie. «L’ordre et la légalité sont des sujets très porteurs», rappelle le politologue. Mais comme pour le wokisme, l’électorat «d’appartenance» ne devrait pas être trop influencé, voire pourrait se trouver renforcé par ces actions peu dénoncées par le parti écologiste.