En Birmanie, la Chine joue sur les deux tableaux
PEKIN - Tout en proclamant son soutien officiel à la junte birmane, la Chine a engagé des contacts discrets avec des groupes d'opposition, une façon pour elle de ne pas être prise au dépourvu en cas de renversement du régime, selon les analystes.
"S'il apparaissait que le régime militaire était en perte de vitesse et sur le point de s'effondrer, la Chine entamerait sur le champ des discussions avec l'interlocuteur qu'elle aurait en face pour s'assurer que les relations avec la Birmanie soient bonnes", souligne Paul Harris, spécialiste des relations internationales à l'Université Lingnan de Hong Kong.
Depuis le début de la répression contre les manifestations populaires en Birmanie, qui ont fait treize morts selon un bilan officiel, la Chine s'est refusée à condamner l'allié birman sur lequel on la crédite d'une influence déterminante.
Elle a simplement exhorté la junte ainsi que les manifestants brutalement réprimés à user de "méthodes pacifiques".
Proche de Rangoun, à qui elle achète notamment du gaz, la Chine avait utilisé son droit de veto en janvier au Conseil de sécurité pour bloquer un projet de résolution condamnant les violations des droits de l'homme en Birmanie.
Mais si le géant asiatique soigne ses rapports avec les généraux, il ne continue pas moins de jouer sur les deux tableaux en maintenant de discrets contacts avec l'opposition en exil.
"Il y a eu des contacts", confirme à l'AFP Soe Aung, porte-parole du Conseil national pour l'Union de la Birmanie, un organisme basé en Thaïlande composé de militants pro-démocratie en exil.
Les autorités chinoises glanent auprès du groupe des renseignements, notamment sur les trafics frontaliers.
Tout en refusant d'entrer dans les détails sur la nature de ces contacts, le porte-parole cite des rencontres informelles avec des officiels chinois lors de déplacements à Pékin.
Ces contacts qui, selon lui, se sont récemment "accrus", répondent aux intérêts bien compris de part et d'autre.
"Sommes nous attristés par la politique de la Chine? Bien évidemment. Mais la Chine sera toujours notre voisin et nous devons entretenir avec elle de bons rapports", constate pragmatiquement Khin Ohmar, responsable de l'Asia Pacific People's Partnership on Burma, une organisation pro-démocratie basée en Thaïlande.
Obsédée par la stabilité régionale nécessaire à son développement économique, la Chine soutient le régime des généraux birmans comme elle a soutenu, contre vents et marées, la Corée du Nord où une chute du régime précipiterait des centaines de milliers de refugiés à sa frontière.
Pour Bahukutumbi Raman, du Centre indien Chennai pour les études chinoises, les Chinois sont actuellement "très inquiets mais ne sont pas prêts à aller au-delà de ce qu'ils ont déjà dit".
"Ils sont face à un dilemme et ne sont pas encore sûrs de ce qu'ils doivent faire", estime l'expert.
Source: AFP