Sexualité des jeunes«En gros, c'était un verre contre un bisou»
Une étude fribourgeoise s'intéresse aux faveurs sexuelles pratiquées contre rétribution. Leurs récits permettent aux chercheurs d'y voir plus clair.
- par
- Pauline Rumpf

Si la pratique est très stigmatisée dans la tête des jeunes, il arrive qu'un acte sexuel soit effectué en échange d'un avantage.
La Haute école de travail social de Fribourg a présenté mercredi une étude de fond portant sur la sexualité des jeunes. Forte des réponses de 6500 jeunes, elle se penche sur les actes sexuels contre rétribution, c'est à dire offerts contre un avantage, qu'il soit matériel ou pas. Disponible ici, la recherche contient plusieurs récits permettant de comprendre les circonstances de ces échanges.
La «logique professionnelle» est très minoritaire, selon l'étude. C'est ce que raconte Sabine, 16 ans.
«Je ne suis pas du genre à faire ça, même si j'ai déjà fait des erreurs. Par exemple, avec un ami avec lequel j'ai couché, on avait cette blague où on disait que pour 5 francs il pouvait toucher mes seins. Mais c'était pour rigoler. Par contre un jour il l'a fait et j'ai fini par lui rendre les 5 francs parce que ça me mettait mal à l'aise… d'une certaine manière, je me sentais sale.»
Se sentir obligé
Plusieurs cas entrent dans une «logique de redevabilité», où la personne se sent obligée d'accepter quelque chose à cause de l'échange. C'est le cas d'Estelle, 21 ans.
«Avec une amie, ça nous est arrivé de nous dire: «soit on va dormir chez lui, mais il risque de vouloir quelque chose, soit on attend jusqu'à 6 heures du matin pour le premier train». C'était en hiver. Du coup, on est allées chez le gars, mais on savait qu'il y en a une des deux qui passerait à la casserole. Parce que «vous pouvez dormir chez moi»... voilà, on sait ce que ça veut dire. A partir de là, ça devient un devoir, et c'est ça qui est affreux. On se sent obligée.»
Les expériences ne sont toutefois pas forcément perçues de façon négative par les jeunes qui l'ont vécu. C'est en tout cas le ressenti de Cléa, 18 ans.
«Une fois en boîte, je cherchais les toilettes, et un gars que je connaissais absolument pas me draguait, alors que moi je voulais juste aller faire pipi. Il m'a dit «Je te paie un verre ?», j'ai dit «d'accord». J'ai jamais dit non à un verre, ça c'est vrai. Club bondé, il se penche pour m'embrasser et pas moyen de… Après, il était mignon, c'était pas dérangeant.
J'ai pas pris ça comme «un verre contre un bisou», même si je pense que c'est plus ou moins l'idée. Je m'en rends bien compte. Mais moi ça m'a pas dérangée qu'il m'embrasse. Et la seule chose que je lui ai dit après ça, c'était: «Tu sais où sont les chiottes?» et ça s'est arrêté là. Il m'a rien demandé de plus.»
Valorisation et séduction
Une autre logique joue souvent un rôle important, c'est celle de la «reconnaissance». Certains actes permettent en effet d'accéder à un rang social, une valorisation, un coup de pouce pour sa confiance en soi. Arthur, 19 ans, raconte par exemple comment il a pu tester son pouvoir de séduction.
«J'ai déjà envoyé des photos pas très habillé à des gens... Bon, c'était un peu une période où je me sentais vraiment pas très beau. C'était un peu la période de transition, parce qu'avant, j'étais vraiment rond. Je faisais 110 kg environ, et puis maintenant j'en fait 86.
C'était un peu ce moment où je perdais pas mal de poids, et je cherchais une certaine confirmation en moi-même. Donc ça m'a aidé d'aller sur des chatrooms en ligne, avec une webcam, et de montrer juste le haut de mon corps généralement, mais pour avoir une certaine confirmation que oui, on est beau, oui, on est attirant.»