Bulle«Erhard Loretan a rejoint son fils Ewan au Ciel...»
Plusieurs centaines de personnes ont rendu, lors d'une cérémonie religieuse, un dernier hommage au guide fribourgeois.
- par
- gco/ats
La «célébration du dernier adieu» à Erhard Loretan s'est déroulée mardi après-midi en l'église Saint-Pierre-aux-Liens, à Bulle. Dans un édifice plein à craquer, la cérémonie catholique très émouvante a duré plus de deux heures. Elle a attiré la foule: des parents, des amis (dont les alpinistes Jean Troillet et André Georges) et des admirateurs du Gruérien de Crésuz.
Un des moments forts de l'office a été l'hommage poignant rendu par Pierre Morand. Celui-ci a expliqué avoir partagé «40 ans de complicité de vie» avec Erhard Loretan, notamment lors de nombreuses expéditions en montagne commencé dès leur adolescence.
Une standing ovation dans l'église
«A l'heure d'un bilan, ce qui est important, ce n'est pas de savoir si on a gagné ou perdu mais l'important, c'est de savoir comment on a joué. Et toi, Erhard, tu as toujours joué juste et sans tricher» a-t-il relevé avant de demander à l'assemblée de se lever et «d'applaudir l'artiste une dernière fois». Un moment rare dans une église.
La lecture d'un texte de Saint-Augustin «Ne pleure pas, si tu m'aimes!» par Daniel, le frère d'Erhard Loretan, des sanglots dans la voix, a aussi fortement ému le public.
Il va retrouver son fils
A l'occasion de «sa dernière ascension qui l'a emmené plus haut que tous les 8000m rugissants qu'il a pu vaincre», le père Nicolas Buttet a estimé qu'Erhard Loretan allait ainsi pouvoir rejoindre, auprès du Seigneur, son fils Ewan. Ils pourront alors partager des moments de complicité qui leur a manqués.
«Je vois aujourd'hui Ewan t'accueillir en haut, les yeux dans les yeux. Le sourire dans le sourire. Une complicité enfin vécue et pour toujours. Je l'entends te dire «Papa, je t'ai toujours aimé! Viens ici! C'est moi, maintenant, qui vais t'apprendre l'escalade: on va grimper ensemble sur les épaules du Bon Dieu!», a déclaré Nicolas Buttet.
Le drame qui a marqué sa vie
Ewan est mort tragiquement à l'âge de 7 mois, le 24 décembre 2001. Ce jour-là, Erhard Loretan, au sang froid légendaire, avait perdu les nerfs face aux pleurs de son fils unique et l'avait secoué à mort...
Erhard Loretan avait été reconnu coupable d'homicide par négligence et condamné à quatre mois d'emprisonnement avec sursis en 2003. Il avait déclaré avant le jugement: «La peine que vous m'infligerez n'est pas vraiment importante par rapport à ce que je vais subir jusqu'à la fin de mes jours». Erhard Loretan avait consenti alors à ce que son nom soit publié afin d'attirer l'attention sur le syndrome du bébé secoué.
Dans l'Histoire de l'alpinisme
Loretan a commencé sa carrière d'alpiniste à 10 ans sur la Dent de Broc dans sa Gruyère natale. En 1995, il est entré dans la légende après l'ascension du sommet du Kangchenjunga (8586 mètres), au Népal, avec son ami le guide Jean Troillet. Il était ainsi devenu le troisième homme à terminer l'ascension des 14 sommets de plus de 8000 mètres de la planète. Seuls l'Italien Reinhold Messner et le Polonais Jerzy Kukuchka y étaient parvenus avant lui.
Le guide de montagne Erhard Loretan est décédé jeudi 28 avril, le jour de ses 52 ans, lors de l'ascension du Grünhorn (VS). Une cliente qui l'accompagnait a été grièvement blessée. Cette Bernoise de 38 ans, habitant Genève, était présente mardi après midi aux obsèques. «Pouvant marcher, un bras plâtré et le visage griffé, elle était très ébranlée à l'issue de la cérémonie. Elle n'a pas souhaité s'exprimer», indique le journal «La Liberté», dans son édition du 4 mai.
L'accident a eu lieu vers 12h00 dans le Fischertal dans le Haut-Valais. Les deux alpinistes avaient déposé leurs skis au Grünegghorn pour escalader l'arête menant au Grünhorn. C'est à ce moment que, pour une raison encore indéterminée, leur cordée a fait une chute de 200 mètres dans la face nord-ouest à une altitude d'environ 3800 mètres.