Meurtre d'Adeline: Fabrice A. n'aurait pas dû être autorisé à sortir

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Meurtre d'AdelineFabrice A. n'aurait pas dû être autorisé à sortir

La décision de sortie accompagnée de Fabrice A. ne pouvait pas être autorisée au moment où elle a été prise, a indiqué mercredi l'ancien conseiller d'Etat Bernard Ziegler auteur du rapport.

Chargé de l'enquête administrative sur le meurtre d'une sociothérapeute genevoise, survenu le 12 septembre dernier lors d'une sortie accompagnée avec le détenu Fabrice A., Bernard Ziegler n'a pas hésité à parler d'«erreurs», lors de la présentation d'un premier rapport. «L'autorité d'exécution des peines ne pouvait pas autoriser de sortie sur les bases du dossier en sa possession», a lancé l'ancien Conseiller d'État.

Les manquements ont été observés tant au niveau du Service d'application des peines et mesures (SAPEM) qu'à celui de la direction de la Pâquerette, l'établissement où Fabrice A. était incarcéré. Le plan d'exécution de la sanction défini pour ce dernier n'a pas été suivi, selon l'analyse de Bernard Ziegler. Le SAPEM a autorisé la sortie du meurtrier présumé d'Adeline sur la seule analyse de son médecine traitant, alors qu'une expertise externe aurait dû être menée. Une commission d'évaluation de la dangerosité du détenu aurait dû se réunir et le chef du département de la sécurité aurait dû être sollicité, comme le prévoit le code pénal. Ces procédures n'ont pas été respectées.

A plusieurs reprises, la direction de la Pâquerette, elle, n'a pas fait de pesée d'intérêts suffisamment pointues, entre l'opportunité de resocialisation de Fabrice A. et la dangerosité qu'il pouvait représenter pour la communauté. Il n'aurait ainsi jamais dû pouvoir acheter un couteau pour cureter les sabots des chevaux, et qui comporte une lame de 20cm, avec laquelle le détenu aurait tué Adeline. «La direction a autorisé l'achat en se plaçant uniquement du point de vue de la motivation du détenu», note Bernard Ziegler.

Le choix de l'accompagnant n'a pas non plus fait l'objet d'une pesée d'intérêts suffisante, Fabrice A. ayant choisi lui-même les sociothréapeutes qui allaient encadrer ses deux sorties. Enfin, mi-août, un violent accrochage avait opposé plusieurs détenus de la Pâquerette, dont le meurtrier présumé. «Les tours étaient tellement montés, qu'il avait pratiquement agressé une sociothérapeute, qui a pris peur», rapporte Bernard Ziegler. Des co-détenus de Fabrice A. avaient annoncé que si ce dernier sortait de la Pâquerette, il ne reviendrait jamais. Une nouvelle analyse aurait ainsi dû être conduite.

«L'État a failli dans sa mission de protection de ses collaborateurs», a ainsi reconnu le président du Conseil d'État, Charles Beer, en conclusion de la présentation du rapport puis a présenté les excuses officielles de la République à la famille de la victime.

A la lumière de ces éléments qui montrent une série d'erreurs de part et d'autre, le gouvernement a pris dix mesures.

1. Il a initié une procédure administrative à l'encontre de la directrice du SAPEM qui n'est plus en poste depuis mercredi midi.

2. Le Conseil d'administration des HUG, dont dépendait la Pâquerette au moment des faits, a été interpellé envers diverses responsabilités de la directrice de la Pâquerette.

3. Le département de la sécurité est chargé d'édicter sans délai des directives concernant le SAPEM, visant à casser une certaine routine.

4. Il impose de recourir systématiquement à des experts externes pour tout élargissement d'exécution des peines.

5. La Commission d'évaluation de la dangerosité devra aussi être systématiquement saisie dans ces cas là.

6. Il veut examiner systématiquement, s'agissant des criminels dangereux, l'opportunité de mesures en milieu fermé à durée indéterminée.

7. Il souhaite élaborer un protocole de sortie pour la Pâquerette, comme le choix du personnel, la surveillance policière, les procédures d'alarme, le sexe de l'accompagnant, la pose d'un GPS dans les véhicules, les fouilles, les informations données au dernier moment aux détenus, une photo récente du prisonnier.

8. Le Conseil d'Etat doit se doter d'un règlement concernant les exécutions de peines et mesures respectant le code pénal. Il s'agit de respecter avant tout des règles existantes.

9. Il veut demander l'évaluation aux autres cantons de leurs détenus et réciproquement.

10. Le département de la sécurité continuera ses démarches dans le cadre de la Conférence latine des chefs des départements de justice et police. Il veut notamment mettre en oeuvre un échange systématique d'informations sur les détenus dangereux et édicter un recueil de ces criminels, contre l'avis du Conseil fédéral. (20 minutes)

Le corps sans vie de la sociothérapeute de 34 ans avait été retrouvé le 13 septembre, dans un bois, près de Versoix (GE). Fabrice A., violeur multirécidiviste, avait été arrêté le 15 septembre près de la frontière germano-polonaise, après plus de trois jours et demi et de cavale.

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