SyrieGhouta: la vie souterraine des habitants
De nombreux habitants du fief rebelle de la Goutha orientale, sous les bombes, ont trouvé refuge dans les sous-sols.
Au rythme des bombardements, Oum Jamal cuisine dans une cave sommairement aménagée où elle s'est réfugiée avec sa famille après la destruction de sa maison par les frappes du régime syrien sur la Ghouta orientale, près de Damas. De nombreux habitants de ce fief rebelle ont trouvé refuge dans les sous-sols.
«Nous ne sommes pas retournés une seule fois chez nous, nous restons ici jours et nuits», raconte-t-elle vêtue d'une abaya noire et d'un voile serré encadrant son visage. Avec son fils trentenaire et sa fille handicapée, cela fait plus d'un mois et demi que cette quinquagénaire a abandonné la maison familiale, réduite en miettes par les frappes de l'armée syrienne dans la localité de Madira.
«Notre maison a été bombardée, alors on est venu ici. Puis elle a été de nouveau touchée pendant qu'on était là, et elle s'est entièrement écroulée», poursuit-elle. Avec son fils, Oum Jamal a aménagé son nouvel habitat en installant des panneaux de tôle pour délimiter son espace, au centre de la cave glaciale au sol terreux. «Quand les avions envahissent le ciel, mes voisins viennent se réfugier ici, avant de retourner chez eux quand la situation se calme», explique-t-elle. «Moi et mes enfants, on reste ici».
Eau et bois
Mais durant les rares moments de répit, elle aussi se risque à sortir de sa cachette pour retrouver la lumière du jour et surtout s'approvisionner en bois et en eau. A l'aide d'une hachette, elle coupe du bois pour se chauffer, puis remplit d'eau des bouteilles vides avant de retourner dans son abri.
Dans la cave, le bois est déposé sous un poêle en fer qu'elle a elle-même fabriqué, à l'entrée d'une tente jaune sous laquelle elle dort avec ses deux enfants. «L'espace est très exigu», déplore Oum Jamal. «On vit dans le froid, sous la terre», dit-elle en désignant un mur d'où s'écoule les eaux usées du bâtiment.
Assiégés depuis 2013 par les forces du régime, les quelque 400'000 habitants de la Ghouta orientale sont confrontés à un nouveau déluge de feu du régime de Damas, qui pilonne quotidiennement l'enclave.
Troglodytes malgré eux
Dans une autre cave de Madira, alors que gronde à l'extérieur l'aviation du régime, des femmes vêtues de noir, entourées d'enfants, servent des assiettes de taboulé. Le vacarme des appareils militaires s'intensifie, et l'une d'elle agrippe alors le genou de sa soeur, assise à ses côtés. Trois enfants jouent au ballon dans une pièce attenante où un lit et une armoire ont été installés.
Depuis des années déjà, les habitants de la Ghouta se sont habitués à cette «vie des caves», déplore Yousra Ali, qui a élu domicile dans les sous-sols de l'école Dar al-Salam à Erbine, autre localité de la Ghouta orientale.
Souffrant d'une maladie cardiaque l'ayant contrainte à subir une opération chirurgicale, elle raconte, les yeux en larmes, ses souffrances au quotidien. «Je n'ai plus de médicaments. Nous vivons sans soleil ni air frais. On est privé de vie ici», lâche-t-elle.
Abri collectif
Dans des salles souterraines, les murs sont décorés de fleurs. Face à l'afflux des habitants, l'espace a été transformé en abri collectif. Matelas et couvertures s'entassent dans tous les coins, du linge sèche sur les jeux pour enfants.
«Nous sommes 14 femmes et enfants à vivre dans une pièce de 2,5 mètres de large, sans toilettes ou espace pour se laver», déplore de son côté Oum Abdou. «Ma maison a été détruite, mais bon, grâce à Dieu, on prend notre mal en patience», soupire cette habitante. (nxp/ats)