
Le chef Glenn Viel est juré de «Top Chef», sur M6, pour la deuxième année consécutive.
«top chef»Glenn Viel: «Je me trouvais plus drôle, l’année dernière»
Chaleur humaine, durabilité et transmission sont les maîtres mots du cuisinier, juré dans l’émission culinaire diffusée sur M6.
Depuis un mois, l’émission «Top Chef» a repris sur M6 avec Glenn Viel à la tête de la brigade orange, pour la deuxième saison consécutive. Le chef, de passage à Lausanne la semaine dernière pour promouvoir le terroir de la Provence, a répondu à quelques questions sur sa participation à l’émission et sur son travail de cuisinier.
Pourquoi votre rôle de juré dans «Top Chef» vous plaît-il autant?
Ce qui est génial avec cette émission, c’est d’être en contact avec des jeunes chefs pleins de créativité. Ils sont spontanés, pas encore codifiés comme nous on peut l’être. Eux, ils cassent les barrières et je m’imprègne de leur liberté. En plus, les autres chefs membres du jury (ndlr: Hélène Darroze, Philippe Etchebest et Paul Pairet) m’ont très bien intégré dans l’équipe. Après avoir vu les premiers épisodes, je peux juste dire que je me trouvais plus drôle l’année dernière.
Que souhaitez-vous transmettre aux candidats?
Toute la partie psychologique que j’ai établie dans mon restaurant, l’approche, le fait de raconter la bonne histoire, d’avoir une réflexion. Par exemple, sur la perception de la chaleur: je ne sers aucun plat chaud, mais à une température que je décris comme «confortable». Si c’est trop chaud, le cerveau envoie un signal de protection et on ne se concentre plus sur le goût et c’est dommage.
La cuisine, c’est l’émotion…
Oui, ce que je veux transmettre, c’est que la cuisine n’est pas une démonstration, c’est un ressenti. Avec pas grand-chose, on peut avoir une belle émotion. On fait ce qu’on est et on raconte qui on est dans l’assiette. Pour moi, l’idée est plus importante que le décor.
Comment les émotions et les souvenirs se traduisent-ils dans votre cuisine?
On fait ce boulot pour vivre des moments de chaleur, dans l’assiette et en dehors. Par exemple, je propose un menu enfant gastronomique, parce que nous sommes une maison de famille. La famille, ça veut dire plusieurs générations et une expérience conviviale. J’ai des clients qui ont des souvenirs du restaurant avec leurs parents et qui viennent maintenant avec leurs petits-enfants. Je trouve ça magique. Il ne faut pas oublier non plus que les enfants sont les clients de demain. En tant qu’ancien dislexique, je raconte aussi mon histoire: j’ai laissé des fautes dans le menu et je montre que tout le monde peut accomplir de grandes choses.
Vous avez été le plus jeune chef, en France, à recevoir 3 étoiles au guide Michelin, en 2020. Après une distinction pareille, est-ce facile de garder la motivation?
Honnêtement, 3 étoiles, ça pèse. Après ce sacre, je n’ai pas été bien pendant un an et demi, mais ensuite je me suis dit que je devais faire comme j’ai toujours fait et continuer d’être sincère dans ma cuisine. C’est un rêve qui se réalise, c’est vrai, et on doit imaginer la suite. Donc je suis tout le temps en train de cogiter. Depuis cette récompense, on a amélioré beaucoup de choses et gagné en précision. J’ai aussi envie de prendre des risques. Par exemple, j’ai travaillé sur le fade, qui est, pour moi, la cinquième saveur. L’umami, c’est compliqué à expliquer et à ressentir. Le fade, comme l’acidité ou l’amertume, c’est spontané. On peut boire différentes eaux minérales et aucune n’aura le même goût. Avec les assasisonnements et les épices, on a perdu le goût neutre et c’est ça que je veux retrouver.
Vous proposez un menu 100% végétarien. C’est une question de durabilité?
Oui, mais c’était déjà en place avant mon arrivée. C’était une idée de Jean-André Charial, l’ancien propiétaire de L’Oustau de Baumanière où je travaille. Il l’a introduit en 1987, avant que ce soit à la mode. À cette époque, c’était un pionnier et il m’a demandé de le maintenir, comme le potager. Je trouve ça génial! Les modes, je suis celles qui me plaisent. Si ce n’est pas dans mon ADN, je ne le fais pas, mais je pense qu’on doit faire attention à notre consommation.
De quelle manière?
En tant que restaurateurs, on est des consommateurs. Je me rends bien compte, le matin, quand je me fais livrer des poissons, qu’ils arrivent dans du polystyrène. On fait de notre mieux, mais, pour y arriver, il faut être entouré de personnes qui ont la même motivation. Quand on sera aidé par les transports, les emballages, peut-être que ce sera plus facile. Par exemple, c’est devenu naturel de ne plus jeter, de réutiliser. C’est une conviction que j’ai et que tout le monde devrait avoir. Il faut qu’on arrête de parler et qu’on agisse un peu plus.
Cette saison, un candidat travaillait dans un établissement genevois: que connaissez-vous de la gastronomie suisse?
En vérité, pas grand-chose… Mais je ne pense pas tant en termes de terroirs. Je travaille aux Baux-de-Provence, dans une maison icônique de la région, et je suis d’origine bretonne. Ma cuisine, c’est un mélange de ces influences, donc je raconte ces deux histoires. Dans tous mes plats, il y a souvenirs, des fois liés à l’enfance ou à des moments plus récents, mais surtout, je m’inspire des produits. Il faut qu’ils me plaisent, me galvanisent. Je préfère ressentir les choses. Je m’en fiche de savoir d’où vient tel ou tel ingrédient. Il faut qu’en le mangeant, je ressente quelque chose et que je me dise «Qu’est-ce que je peux en faire?»