GenèveGoût amer pour des bières distribuées gratuitement
La promotion d'un brasseur, dans un centre commercial, fâche. Clients et milieu de la prévention y voient une incitation à la consommation d'alcool.
- par
- David Ramseyer

«Vous en voulez une?, m'a dit une dame. Et hop, je me suis retrouvée avec un demi-litre de bière dans la main, raconte Anne*. C'est incroyable de faire la promotion gratuite d'un produit alcoolisé qui peut potentiellement faire des dégâts!». Pour cette Genevoise âgée de 36 ans, la distribution vendredi passé de canettes Cardinal au centre commercial Eaux-Vive 2000 est «assez grave. Ils ne savent pas à qui ils offrent leur produit. Il y a peut-être des personnes qui vont prendre la route, pourquoi pas des gens qui tentent de réduire leur consommation d'alcool».
L'action menée par le brasseur suisse heurte aussi la Fédération genevoise de prévention de l'alcoolisme. «Il s'agit d'une forme de tentation gratuite, plutôt inadéquate en termes de promotion de la santé», relève sa directrice, Laurence Fehlmann-Rielle. Elle estime ainsi que l'opération de Cardinal fait passer un message qui suggère «que la bière est un produit anodin. Mais il s'agit en réalité d'une promotion de l'alcool».
Le brasseur invoque la loi
Face aux critiques des milieux de la prévention, la maison mère de l'ex-brasseur fribourgeois s'en tient à la loi. Feldschlösschen indique que «nos promotions commerciales respectent toujours les réglementations en vigueur», indique sa chargée de communication, Esin Celiksüngü. Celle-ci ajoute que l'agence mandatée pour distribuer gratuitement des mousses reçoit des instructions très précises. Elles sont liées aux normes de protection de la jeunesse, «auxquelles nous accordons une grande attention. Les adolescents doivent montrer leur carte d'identité et nous n'offrons pas d'échantillons aux personnes de moins de 18 ans».
L'opération de marketing, qui a duré deux semaines, n'a pas eu lieu qu'à Genève, mais aussi ailleurs en Suisse romande. Sauf dans les cantons de Vaud et Neuchâtel, où les législations diffèrent du reste du pays (voir encadré). La marque de bière compte bien ne pas s'arrêter là: «Pour donner l'occasion à nos consommateurs d'essayer nos produits, nous continuerons d'organiser différentes promotions de ce type.»
*Prénom d'emprunt
La loi n'est pas la même partout
Ce n'est pas la première fois que Feldschlösschen est sous le feu des critiques pour une opération de promotion. En mai 2017, elle avait organisé une action à la gare d'Yverdon-les-Bains (VD). Problème: elle était illégale. L'article 50 de la Loi vaudoise sur les auberges et les débits de boissons interdit en effet la distribution gratuite d'alcool dans le canton. Au bout du lac, cependant, la situation est différente. La législation autorise ce type d'actions promotionnelles, mais seulement pour les produits fermentés (bière, vin et cidre). Elles restent en revanche interdites pour les alcools distillés. «Il faut naturellement respecter l'âge légal requis pour consommer de telles boissons», ajoute le Département genevois de l'économie. Il est de 16 ans pour les alcools fermentés et 18 ans pour les spiritueux, comme dans la majorité des cantons y compris Vaud.