Hamas et Fatah dans une bataille d'images
RAMALLAH - La lutte d'influence que se livrent Hamas et Fatah en matière d'image et de crédibilité se joue désormais sur les écrans de télévision.
A preuve, deux reportages de la chaîne Palestine TV, proche du parti de Mahmoud Abbas, ont fait beaucoup parler ce week-end dans les territoires palestiniens.
La chaîne a d'abord diffusé des images sur lesquelles des miliciens du Hamas frappaient sans ménagement les invités d'une fête précédant le mariage d'un militant du Fatah. Puis l'ex-Premier ministre du Hamas limogé par Mahmoud Abbas, Ismaïl Haniyeh, a accusé la faction rivale d'avoir torturé à mort un militant de son mouvement, que Palestine TV a rapidement montré vivant et sans trace apparente de violence...
Dans cette affaire de fausse annonce, le Hamas pourrait s'être fait piéger par les services de renseignement alliés au Fatah, ce qui donne une idée des moyens déployés pour cette guerre d'influence et reflète le niveau d'animosité entre les deux camps depuis le coup de force du Hamas qui s'est emparé du contrôle de la Bande de Gaza en juin dernier.
Si les sondages font apparaître une population palestinienne de plus en plus désabusée et n'attendant plus rien des deux principaux partis après des mois de violences intercommunautaires, l'opinion publique conserve son importance pour les deux camps ennemis. «Elle a porté le Hamas au pouvoir et peut faire revenir le Fatah», relève le politologue palestinien Ghassan Khatib.
Le dernier épisode du bras de fer médiatique a commencé vendredi lors de l'enterrement de vie de garçon d'un partisan du Fatah à Beit Hanoun, dans le nord de la Bande de Gaza. A cette occasion, les convives ont repris en coeur des chants faisant les louanges du président de l'Autorité palestinienne et de son prédécesseur, feu Yasser Arafat.
Pour immortaliser cette fête, une caméra avait été installée sur un toit, de l'autre côté de la rue. Les festivités touchaient à leur fin lorsque quatre jeeps de la Force exécutive, la police du Hamas à Gaza, ont fait irruption dans le cadre.
Les miliciens armés ont sauté des véhicules, les uns tirant en l'air, les autres brandissant des matraques. Les images filmées par la caméra montrent ces paramilitaires frappant des invités et jetant des chaises. A leur départ, un homme gisait, inconscient.
Peu après, environ 150 personnes, des femmes et des jeunes pour l'essentiel, se sont rassemblées devant les locaux de la police du Hamas à Beit Hanoun, échangeant des coups et des insultes avec les miliciens. Selon des médecins locaux, les deux incidents ont fait une dizaine de blessés. Le Fatah a fait état de 15 arrestations, le Hamas de quatre seulement.
L'enregistrement vidéo a été diffusé à plusieurs reprises sur Palestine TV, tandis que le caméraman, de l'agence locale Ramattan, était interrogé des heures durant par le Hamas.
Le Mouvement de la résistance islamique s'est ensuite justifié en expliquant que ses hommes avaient essuyé des coups de feu et que les participants à la fête avaient également tiré des salves en l'air.
«Nous signalons que nous n'avons arrêté personne en raison de son affiliation politique», souligne un communiqué de la Force exécutive. «Les quatre personnes arrêtées avaient commis des crimes.»
L'autre épisode de cette guerre des nerfs a pris les traits de Muayad Bani Odeh, 25 ans, un partisan du Hamas en Cisjordanie, qui avait été arrêté en juillet par les services du président Abbas et détenu à Naplouse. Selon des informations obtenues par plusieurs proches du prisonnier auprès des services de renseignement, le jeune militant se trouvait en état de mort clinique dans un hôpital israélien.
Apprenant à son tour la nouvelle, Ismaïl Haniyeh a accusé les forces liées au Fatah d'avoir maltraité des partisans du Hamas. «L'un d'eux est Muayad Bani Odeh, un fils de l'Islam de Cisjordanie, qui a été torturé à mort», a-t-il lancé après la prière de vendredi, déclenchant des manifestations de colère dans Gaza.
Le lendemain, Palestine TV diffusait une interview du même Bani Odeh, qui, bien vivant, avouait avoir collaboré avec Israël. Interrogé sur un lit, il expliquait avoir fourni des informations qui avaient permis en 2003 l'arrestation par les forces israéliennes de cinq fugitifs, dont trois du Hamas.
Peu après, Bani Odeh répétait ses dires devant la presse, dans son lieu de détention à Naplouse. Il confirmait des liens avec le Hamas, tout en assurant ne pas être un militant du mouvement, et jurait ne pas avoir reçu de mauvais traitements.
Sa famille a toutefois affirmé qu'il avait subi de fortes pressions pour livrer un faux témoignage, mais, guerre oblige, ces déclarations n'ont pas été reprises par Palestine TV.
AP
tl/v/sb (ap)