VaudIl divulgue des secrets en pensant à des magouilles
Un ancien architecte cantonal a joué les justiciers: il a averti une entreprise écartée d'un gros chantier de l'offre de ses concurrents. Condamné.
- par
- Christian Humbert

Une part des travaux a été confiée à un groupe franco-suisse.
Taupe ou chevalier blanc? Un architecte de 75 ans a avisé l'un des cinq consortiums qui postulaient à la construction du futur hôpital Riviera-Chablais, à Rennaz, que son offre non retenue était la plus basse de 13 millions de francs. L'enjeu est énorme: le chantier est devisé à 250 millions de francs pour 300 lits. Le retraité n'a pas agi par «appât du gain ou intérêt personnel», a conclu une procureure. Elle l'a néanmoins condamné pour violation de secrets commerciaux et diffamation à 100 jours amende, 1000 francs d'amende et au paiement de 2700 frs de frais.
Cet idéaliste connaît bien les marchés publics: il avait participé à l'élaboration de son règlement d'application lorsqu'il était salarié du canton de Vaud. «Je n'avais aucune motivation», s'est-il borné à répondre à «20 minutes».
Tombé sur une synthèse des cinq dossiers, il a jugé qu'il «y avait eu des magouilles, des manipulations de chiffres». Il l'a écrit dans une lettre anonyme glissée dans une enveloppe contenant son nom au verso. «Mes clients sont arrivés avec cette enveloppe dans leur dossier quand nous avons discuté d'un recours contre la décision de ne pas leur attribuer le chantier», indique Me Philippe Vogel, avocat du consortium italo-tessinois écarté. «Cette lettre a pu jouer un rôle. Treize millions de moins, ce n'est pas négligeable», précise l'avocat. Conséquence: son recours, pendant au Tribunal fédéral, a été accepté par le Tribunal cantonal. Cette instance a vu des «irrégularités dans l'adjudication des travaux, des dossiers incomplets, notamment un manque de garanties bancaires».
Le prix pas décisif
«Il n'est pas fait état de magouilles ou d'arbitraire. Cette lettre n'est pas évoquée» dans la décision de justice, assure Marc Diserens, président du futur hôpital. «Certes, le consortium était au-dessous du prix, mais ce n'est pas le seul critère. Nous avions cinq exigences: l'entreprise choisie les remplissait.» C'est Marc Diserens qui a porté plainte: l'envoi de la lettre a créé un climat «malsain» et les soupçons se multipliaient.