Arnaque en Suisse romandeIls retrouvent leurs voitures volées mais les autorités n’agissent pas
Un jeune escroc dépossède des propriétaires de leurs véhicules à vendre grâce à des failles administratives et des lenteurs.

Victime du voleur en octobre, Pierre posait jeudi passé devant le garage valaisan où il avait retrouvé sa Land Rover à vendre.
«Nous vivons un cauchemar!» Tel est le constat d’impuissance et de colère d’une des trois victimes romandes interviewées, toutes arnaquées par le même individu sans obtenir jusqu’à présent du soutien des autorités.
Résidant dans la Broye vaudoise, Pierre avait mis sa Land Rover en vente sur un site web. Âgé d’une vingtaine d’années, Dylan s’est présenté à lui en prétendant être un assureur avec un client intéressé par l’achat. Un rendez-vous a été pris le 27 octobre à Aigle pour emprunter le véhicule afin de l’amener chez un concessionnaire pour un contrôle avant de le montrer au client dans l’après-midi. Pierre a pris le soin de photographier son permis de conduire avant de le laisser partir avec le permis de circulation à bord de sa Land Rover.
La police ne peut rien faire
Après deux jours d’échange de textos pour gagner du temps, Dylan lui a écrit être désolé de l’avoir volé et de conclure: «On se reverra au tribunal.» Pierre a rapidement porté plainte avant d’apprendre des jours plus tard par des amis que sa voiture était à vendre dans un garage de Collombey (VS). Après vérification sur place, il a alerté la police de Monthey. Des agents sont venus poser un sabot pour l’enlever par la suite, face à la bonne foi du garage: le permis de circulation n’était plus au nom de Pierre; il n’est plus le détenteur officiel de sa Land Rover.
La Valaisanne Laurence a été victime du même subterfuge avec sa Porsche à vendre en octobre. Son frère et elle ont été piégés par le même individu, qui leur a signé une sorte de contrat et laissé en gage son passeport suisse avant de disparaître. Le délinquant a même abandonné la voiture munie de plaques avec laquelle il était venu au rendez-vous. Après des jours de palabres et promesses, il ne s’est jamais pointé à une rencontre fixée au Bouveret (VS) pour la transaction finale. Avertie le soir même, la police cantonale à Sion leur a conseillé de porter plainte le lendemain dans un poste régional…
Plusieurs affaires recensées
Quelques jours après, une parente des victimes a découvert une Porsche très ressemblante mise en ligne par un garage d’Yvorne (VD) sur un site spécialisé dans la vente de voitures d’occasion. Une fois le numéro de châssis vérifié, les forces de l’ordre alertées leur ont expliqué que l’auteur de ces vols aurait d’abord sévi plusieurs fois dans le canton de Neuchâtel où le ministère public regrouperait toutes les affaires déclarées à l’encontre de ce Dylan.
Quant au Fribourgeois Luca, sa Porsche a été volée le 3 novembre avec une technique similaire en échange du permis de conduire et de la carte d’identité de Dylan en dépôt. Celui-ci lui avait donné rendez-vous dans un garage à Aigle (VD) pour rassurer tout en donnant des noms d’ex-collègues de Luca qu’il prétendait connaître. Avec l’aide d’un éventuel complice, le jeune homme a fait ensuite changer la carte grise du véhicule à Bulle (FR) le jour du vol. La police vaudoise à qui Luca a dénoncé le vol aurait déclaré que l’individu leur était connu. Contacté le jeudi 11 novembre, le service de presse des forces de l’ordre de l’ordre vaudoises n’a pas répondu à nos questions.
Véhicule volé enregistré au nom d’une société vaudoise
Luca n’en avait cependant pas fini avec cette situation burlesque. Malgré le signalement aux autorités du vol sa voiture, avec indication du numéro de châssis et des plaques d’immatriculation, il a pu vérifier que ses plaques sont toujours en service. Il a découvert ensuite par ses propres moyens que sa Porsche est enregistrée au nom d’une société établie depuis septembre à Écublens (VD). Ses buts affichés: «Commercialisation et distribution de produits alimentaires, restauration rapide ainsi qu’achat et vente de véhicules de toutes marques, d’occasion ou neufs». Selon nos informations, il pourrait s’agir d’une filière mafieuse albanophone, mais seule une enquête du Ministère public pourrait le vérifier.
«Soyez patient, il n’y a pas mort d’homme dans cette affaire»
Pompon sur la cerise du gâteau fétide: Luca a même retrouvé sa Porsche volée en vente devant un garage à Renens, près de Lausanne. La police a envoyé une patrouille qui s’est dite impuissante à agir en faveur de Luca puisque, tout comme Pierre, il n’est plus le détenteur légal de son propre véhicule (lire l’encadré ci-dessous). «On m’a fait comprendre que je devais être patient et qu’il n’y avait pas mort d’homme dans cette affaire», relate Luca, amer. Lui et les autres victimes redoutent que leurs véhicules ne disparaissent à terme dans des réseaux à l’étranger. Et ils savent qu’ils n’obtiendront jamais d’argent de compensation de Dylan vu sa situation financière. Quant à l’assurance de Pierre, elle lui a annoncé ce lundi qu’elle ne le couvrait pas car il aurait été victime d’un «abus de confiance» et non d’un «vol»…
Lenteurs administratives et failles dans la loi
«20 minutes» a pu parler au téléphone avec Dylan la semaine passée. Ce Veveysan se dit désolé pour ses victimes et se présente comme une victime d’un système de Ponzi, ou de pyramide, à travers une société. Il aurait des centaines de milliers de francs de dettes et serait menacé de mort en cas de non-remboursement. «Je préférerais être arrêté et envoyé en prison», jure-t-il.