Suisse/Allemagne«J’ai dû montrer une photo intime pour pouvoir passer la douane»
Un Albanais vivant en Suisse a récemment voulu rendre visite à son petit ami en Allemagne. Selon lui, il a subi des pressions inadaptées de la part de l’agent déployé à la frontière.
- par
- Daffina Eschrefi/ofu
«Je suis toujours en état de choc. Je n’en reviens pas.» Kushtrim K.* peine à digérer ce qui lui est arrivé, samedi dernier, à la douane entre Kreuzlingen (TG) et Constance (All). Il aurait été harcelé par un agent allemand. Pourtant, tout ce qu’il voulait, c’était passer la frontière pour rendre visite à son petit ami. «Jusqu’à présent, il n’y avait encore jamais eu de problèmes.»
A cause de la pandémie, des règles spéciales s’appliquent aux partenaires étrangers non-mariés souhaitant rendre visite à leurs amoureux en Allemagne. Les visites sont, en principe, possibles. La personne doit cependant pouvoir prouver l’existence de sa relation au moment de passer la frontière (lire encadré plus bas).
Kushtrim K. explique qu’il dispose d’une déclaration écrite attestant que lui et son petit ami allemand sont ensemble. Jusqu’à présent, note-t-il, cette déclaration a toujours suffi pour qu’il puisse passer la frontière. Or samedi dernier, l’agent aurait insisté pour voir des photos du couple. «Quand je lui ai demandé si cela était vraiment nécessaire et correct, il m’a engueulé. Il m’a dit que je pouvais retourner en Suisse si je n’étais pas d’accord. J’étais perplexe et me sentais mis sous pression.»
«Je dois faire extrêmement attention»
L’Albanais explique qu’il vit secrètement son homosexualité, par craintes des représailles et des discriminations. Raison pour laquelle il n’a presque pas de photos de lui et de son amoureux sur son téléphone portable. «Mes parents sont musulmans et très croyants. Ils ne comprendraient pas. Je dois faire extrêmement attention.»
Kushtrim K. se souvient avoir dû fouiller un bon moment dans son téléphone avant de trouver une photo le montrant avec son chéri, devant la Tour Eiffel, à Paris. Mais visiblement, le cliché n’a pas convenu à l’agent, qui lui a demandé d’autres photos. «J’ai même montré une photo de mon partenaire en sous-vêtements. Mais ça ne lui a pas suffi comme preuve.»
Le ressortissant albanais raconte être devenu de plus en plus nerveux. «Il m’a mis la pression. Je n’ai pas trouvé d’autre solution que de lui montrer une photo où on voit mon visage et le pénis de mon petit ami.» Ce n’est qu’après avoir visionné ce cliché intime que l’agent l’aurait enfin laisser passer. «Je me sentais sale et humilié.»
L’association Pink Cross consternée
Kushtrim K. a entre temps déposé une plainte auprès de l’office de douane de Singen (All). Contacté par nos confrères de «20 Minuten», celui-ci confirme avoir bel et bien reçu une plainte à ce sujet. L’office précise néanmoins que le jour en question les contrôles n’ont pas été effectués par un agent de l’administration des douanes. Contactée à son tour, la police allemande n’a pas encore pris position.
Roman Heggli, directeur de Pink Cross, organisation faîtière des hommes gays et bisexuels en Suisse, se dit consterné: «Personne ne devrait être forcé de faire une chose pareille.» Il exige que les autorités allemandes fassent la lumière sur ce qui s’est produit et qu’elles prennent les mesures nécessaires.
*Nom connu de la rédaction
Conditions d’entrée pour les partenaires non mariés
Les partenaires étrangers non-mariés peuvent, en principe, se rendre en Allemagne pour une visite de courte durée. En guise de preuve, les partenaires étrangers doivent présenter les documents suivants:
- Une invitation de la personne vivant en Allemagne tout comme une copie de la carte d’identité de la personne qui invite.
- Une déclaration écrite des deux partenaires, confirmant leur relation. Tout comme les coordonnées des deux personnes.
- D’autres preuves de rencontres antérieures privées. Par exemple: tampons dans les passeports, documents de voyage, billets d’avion. Des photos, des publications sur les réseaux sociaux ou des correspondances via mails ou lettres sont possibles en guise de documentation supplémentaire.
Sur le site de la police allemande, il est par ailleurs précisé que c’est le douanier qui décide en ultime recours si une personne est autorisée à passer la frontière ou non.