Médecins poursuivis: «Je souffre de la perte de mon prépuce»

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Médecins poursuivis«Je souffre de la perte de mon prépuce»

Une association pour les droits des enfants veut interdire la circoncision et poursuit en justice des chirurgiens qui pratiquent cette opération.

par
Reto Heimann/lom
Les circoncisions se font majoritairement pour des raisons religieuses.

Les circoncisions se font majoritairement pour des raisons religieuses.

Près de 3000 garçons sont circoncis dans les hôpitaux suisses chaque année. Beaucoup plus d’opérations sont effectuées dans les cabinets de médecins de famille, et le nombre de cas non déclarés est élevé, car beaucoup de garçons ne sont pas circoncis par des médecins mais par des religieux dans un cadre privé. Le prépuce est coupé du pénis lors d’une intervention chirurgicale. Une intervention qui serait médicalement nécessaire dans de rares cas. Un pour cent seulement des jeunes hommes sont touchés par un rétrécissement du prépuce qui rend une telle opération nécessaire.

Dans la grande majorité des cas, la circoncision est pratiquée pour des raisons religieuses comme dans le judaïsme et l’islam qui pratiquent tous deux l’ablation du prépuce des garçons. Alors que l’excision est officiellement interdite en Suisse depuis 2012, l’association «Pro Kinderrechte» exige désormais la même règle pour les garçons. «Quand il s’agit de violence contre les hommes, les gens regardent ailleurs - à tort. On l’ignore et cela fait l’objet d’un tabou», déclare Christoph Geissbühler, directeur de Pro Kinderrechte Schweiz. «L’amputation d’un bout des parties génitales d’un enfant sans urgence médicale devrait être un délit pénal».

Mieux vaut que cela soit fait par un médecin

C’est pour cette raison que M. Geissbühler a poursuivi un médecin suisse qui pratique régulièrement des circoncisions. L’homme en question est le médecin Guido Baumgartner, qui est le chirurgien pédiatrique en chef à St-Gall et dans les Grisons. Selon ses propres informations, il pratique 50 à 70 ablations par an, dont au moins 20 pour des raisons religieuses. Le Dr. Baumgartner se défend en disant que l’une des raisons pour lesquelles il propose ces circoncisions est d’empêcher des personnes sans connaissances médicales de les pratiquer. S’il pratique l’opération en tant que chirurgien, même si elle n’est pas nécessaire, c’est «toujours mieux qu’un sorcier qui ramasse un couteau dans un jardin».

Ephraim Seidenberg s’est fait enlever le prépuce dans son enfance pour des raisons religieuses. Il est issu d’une famille juive. Le jeune homme de 29 ans témoigne: «Je souffre de la perte de mon prépuce». Pour lui, il est clair qu’il lui manque une partie de son corps à cause de la circoncision. «J’ai un organe génital qui ne fonctionne pas comme il le ferait naturellement. Je ne pense pas qu’il soit juste qu’une partie saine de mon corps ait été coupée.» Pour Ephraim, la prise de conscience d’avoir été circoncis sans avoir pris sa propre décision à ce sujet était empreinte de «tristesse, de déception et d’un sentiment de perte». Il aimerait que l’on parle davantage du sujet: «J’espère que cela créera un consensus pour que chaque personne puisse décider par elle-même».

Le ministère public n’est «pas responsable»

Durant le procès, le chirurgien Guido Baumgartner n’a pas été jugé: le ministère public de Saint-Gall a rejeté les poursuites contre le médecin. «Vue de manière purement objective», la circoncision d’un garçon pourrait être considérée comme une «simple blessure corporelle». Mais comme l’État n’est autorisé à intervenir qu’en cas de «lésions corporelles graves», le procureur a les mains liées. Dans le cas d’une simple blessure corporelle, la personne concernée devrait déposer elle-même une plainte, ce qui est peu probable dans le cas d’un garçon. Le ministère public de Saint-Gall affirme que l’association «Pro Kinderrechte» soulève des questions légitimes. Toutefois, il estime qu’elle devrait mobiliser des moyens politiques plutôt que juridiques.

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