Crise migratoire«Je te déteste, Hongrie! Merci Serbie!»
Des affrontements violents ont eu lieu mercredi à la frontière avec la Serbie entre des migrants et les forces de l'ordre.
«Je te déteste, Hongrie ! Merci Serbie !» Keffieh sur la tête, Hassan, un Irakien, se rue, pavé à la main, à l'assaut des forces de l'ordre hongroises. C'est sa façon de se venger, après la décision de Budapest d'empêcher le transit sur son territoire des migrants voulant se rendre dans les pays plus riches d'Europe occidentale, comme l'Allemagne.
«Yalla !» (Allons-y !), crient les jeunes candidats à l'exil pour s'encourager mutuellement, en lançant des morceaux d'asphalte en direction des policiers, à la frontière serbo-hongroise de Horgos2/Röszke2, avant de s'avancer en territoire hongrois, malgré l'odeur âcre des gaz lacrymogènes. Mais, étouffés par les gaz, les yeux rougis, ils reculent aussitôt, juste le temps de récupérer leurs forces, avant de reprendre l'assaut.
Dans leur sillage, des dizaines de migrants ont réussi, à l'issue de plus d'une heure d'échauffourées mercredi en début de soirée, à déborder les forces antiémeutes hongroises et à pénétrer en territoire hongrois depuis la Serbie. Ils ont réussi à arracher le grillage mis en travers des deux voies d'accès vers la Hongrie, puis ont avancé, prêts à en découdre avec les forces de l'ordre qui ont reculé d'une cinquantaine de mètres et ripostaient en lançant des grenades lacrymogènes.
Des comptes à régler avec les forces de l'ordre
De son côté, le gouvernement hongrois a fait état de 14 policiers blessés «dans les échauffourées avec les migrants», sans plus de détails. De source serbe on parlait de plusieurs blessés parmi les migrants.
Les migrants, originaires principalement du Moyen-Orient et notamment de Syrie et d'Irak, ne profitent apparemment pas de leur entrée en Hongrie pour s'évanouir dans la nature, mais semblent juste vouloir régler leurs comptes avec les forces de l'ordre hongroises qui empêchent depuis lundi leur progression vers les pays riches de l'Union européenne.
Les deux voies d'accès menant vers la Hongrie, d'habitude empruntées par des voitures, sont transformées en camping avec plus d'une centaine de tentes dressées à même l'asphalte.
Dans la soirée, une vingtaine de policiers serbes, jusqu'alors très discrets, intervenaient pour essayer de ramener les migrants à la raison. Le ministre serbe chargé des réfugiés, Aleksandar Vulin, s'est rendu sur place pour tenter de calmer la situation.
Environ 500 migrants se trouvaient sur les lieux, dont quelque 300 participaient aux échauffourées aux cris de «freedom, freedom» (liberté, liberté) et en lançant des projectiles, a constaté l'AFP. Certains manifestants détruisaient les trottoirs bordant la route d'accès à la frontière, à la recherche de pierres et pavés. Des migrants avaient en outre allumé de grands feux de vêtements et de bois dégageant une importante fumée. Deux hélicoptères hongrois, l'un de l'armée, l'autre de la police, survolaient les lieux.
Voie croate
Des enfants et des adultes pleuraient à cause des gaz, et les policiers serbes, qui observaient la scène sans intervenir, devaient eux-mêmes se protéger le visage avec leurs mouchoirs. Ils s'agit du premier incident de ce type constaté depuis que Budapest a fermé, dans la nuit de lundi à mardi, la frontière avec la Serbie aux réfugiés.
A une cinquantaine de mètres du lieu des échauffourées, Walid, un Syrien de Damas âgé d'une trentaine d'années, contemple la scène en surfant sur internet depuis son smartphone. «Habibi !» («Mon ami !»), lance-t-il à un journaliste de l'AFP, «est-il risqué d'essayer d'aller vers l'Allemagne en passant par la Croatie ? S'il vous plaît, ne me mentez pas»... Plus de 300 migrants ont emprunté mercredi la voie croate vers l'Europe du Nord, pour contourner la barrière hongroise.
A Röszke au poste frontière hongrois, à la tombée de la nuit, la situation était redevenue calme, mais les forces antiémeutes hongroises étaient aux aguets. (nxp/ats)