Gilles Lellouche«J’étais assez content de me débarrasser de François Mercier»
Le tournage du film «Adieu Monsieur Haffmann» n’a pas été facile pour Gilles Lellouche qui a eu du mal à se mettre à la place de son personnage.
Adaptation d’une pièce de théâtre du même nom récompensée par quatre Molière, le film réalisé par Fred Cavayé raconte l’histoire d’un bijoutier juif, Joseph Haffmann, (Daniel Auteuil) qui confie sa boutique à son employé, François Mercier (Gilles Lellouche) en 1942 s’il accepte de le cacher dans la cave. La guerre et ses conséquences vont bouleverser leur relation.
Gilles Lellouche, bientôt dans la peau d’Obélix, nous a parlé de ce tournage un peu particulier, en raison du premier confinement en France, mais aussi de son rôle. À voir sur nos écrans dès le 12 janvier 2022.
Êtes-vous allé voir «Adieu Monsieur Haffmann» au théâtre avant de tourner dans le film?
Non, je n’ai pas voulu. Pour peu que le comédien qui joue mon rôle soit absolument époustouflant, j’aurais pu être totalement influencé et faire la même chose, une pâle copie. J’ai essayé d’être vierge de toute référence.
Le succès que connaît la pièce depuis 2016 a-t-il été une pression pour vous?
Non. La pression c’est d’être à la hauteur des attentes de Fred Cavayé, d’être face à des acteurs exceptionnels comme Sara Giraudeau et Daniel Auteuil. À partir du moment où vous passez du théâtre au cinéma, ce n’est plus du tout la même aventure ni les mêmes codes. J’ai eu le trac habituel que j’ai, quand j’attaque un film, d’être à la hauteur des attentes du metteur en scène.
Comment avez-vous appréhendé le personnage de François Mercier?
Ce n’est pas un personnage qu’on appréhende, c’est un personnage qu’il faut essayer d’incarner de la manière la plus honnête possible. Tenter de ne pas le juger. Et pour ça, il faut se mettre à sa place et considérer que ce qu’il fait est légitime. Ça été un peu compliqué pour moi d’essayer de le faire de manière totalement sincère, en essayant d’imaginer qu’il était dans le vrai tout en sachant au fond de moi qu’il était dans le faux. Il y a une espèce de contradiction interne qui n’est pas simple. Ça m’a un peu marqué, j’avoue. Ce n’est pas le personnage le plus heureux que j’aie eu à faire dans ma carrière. J’étais même assez content de me débarrasser de François Mercier.
Le tournage a été interrompu par le confinement. Vous êtes sorti du personnage pour le reprendre ensuite?
Je ne pouvais pas complètement en sortir. Il y a quelque chose du domaine de l’inconscient qui fait que quand vous interprétez un personnage aussi fort, aussi trouble, il est à côté de vous, comme un spectre, tant que vous ne lui avez pas dit adieu. Vous vivez normalement, mais il est là. Quand vous êtes à table, il n’est pas loin, il vous regarde, il vous fait un clin d’œil. C’est assez terrible.
En regardant le film, on se dit que les circonstances peuvent faire bouger les valeurs d’une personne. Qu’en pensez-vous?
Comme je suis un idéaliste et un utopiste, j’aime à penser que non. Mais comme je n’ai jamais été en temps de guerre, je n’ai pas d’autre possibilité que de vous dire que je n’en sais rien. C’est bien beau les gens qui disent qu’ils auraient été des résistants, des héros, mais moi est-ce que je me serais vu sur les plages de Normandie face à des bunkers et des gens qui veulent me tuer? Est-ce que j’aurais été dans un réseau de résistance? Ou est-ce que j’aurais été mort de trouille? Je n’en ai absolument aucune idée. La réalité qui fait de nous des héros ou des lâches, on ne la connaît que quand on est face à l’adversité, face à la peur.
Comment décririez-vous François Mercier en trois mots?
Petit, envieux, amoureux.
Petit dans quel sens?
C’est un petit gars, il n’a pas les épaules et c’est aussi pour ça que tout part en sucette, que tout dérape. Mon père avait une expression que j’adorais: «D’un âne, on ne fait pas un cheval de course». Ça lui correspond bien.