Meurtre aux Philippines«John Lennon» encourt 19 ans de prison
Le Ministère public a requis une lourde peine jeudi à l'encontre du jeune homme accusé d'avoir fait tuer son associé sur une île philippine en 2014.
- par
- Léonard Boissonnas
«Le prévenu est accusé de ce qu'il y a de pire et de plus répréhensible», a déclaré le procureur Gregory Orci, au moment d'entamer son réquisitoire devant le Tribunal criminel de Genève. Il a demandé une peine de 19 ans de prison pour meurtre avec la circonstance aggravante de l'assassinat.
Pour le représentant du Ministère public, la culpabilité du jeune homme de 23 ans «ne fait aucun doute». Le magistrat a évoqué une véritable «exécution». Le prévenu a entraîné sa victime sur «un bateau de mort», la conduisant dans un «guet-apens» et agissant en «bourreau». Ce sont des faits «extrêmement graves», a souligné Gregory Orci.
Le prévenu a donné plusieurs versions des faits, dont une dernière, mettant en cause son ex-compagne, est «délirante», a relevé le procureur. Pour lui, c'est bien l'accusé qui a commandité le meurtre: c'est la seule version corroborée par les éléments matériels (écoutes, commission rogatoire aux Philippines, témoignages, etc). Les messages retrouvés dans le téléphone du prévenu ne laissent pas place au doute: «Ils permettent de suivre en direct les derniers instants de la victime, a dit le représentant du Ministère public. Ils montrent qu'il s'agit d'un crime organisé, planifié.»
«Obsédé par le luxe et l'argent»
Pour le procureur, le mobile du crime est financier. L'accusé, «obsédé par le luxe et l'argent» mais «complètement fauché» au moment des faits , voulait garder pour lui la somme versée par la victime sur son compte. «Il a sacrifié une vie par pur égoïsme primaire», a noté Gregory Orci.
Outre la peine de prison et les frais de justice, le procureur a réclamé une mesure d'internement en raison du trouble mental présenté par le jeune homme.
L'avocat du frère de la victime a déploré le fait que son client ne connaîtra jamais la vérité, si ce n'est celle judiciaire: «Hormis le prévenu, nous sortirons de cette salle comme nous y sommes entrés, avec les mêmes convictions et les mêmes zones d'ombre », a dit Me Philippe Boss.
«On ne sait rien de ce qui s'est passé»
De son côté, la défense a plaidé l'acquittement au bénéfice du doute. «On ne sait rien de ce qui s'est passé cette nuit-là», a relevé Me Philippe Currat. Pour lui, les aveux ou versions du prévenu ne sont pas crédibles et ne peuvent donc pas être retenus. De plus, plusieurs questions se posent, notamment au sujet des messages du téléphone portable. «Peut-on être sûr que l'accusé était bien la seule personne qui pouvait avoir accès à son téléphone le soir des faits?», a-t-il demandé.
En outre, la nature de la blessure fatale au coeur montre une précision «digne d'un professionnel», ce qui ne correspond pas au profil de l'accusé, a noté l'homme de loi. Rappelant la situation politique chaotique aux Philippines, en particulier au moment des faits, l'avocat a évoqué l'existence d'escadrons de la mort, qui auraient pu s'en prendre à la victime.
Me Currat a réclamé pour son client une indemnisation pour perte de gain à hauteur de 148'500 francs, ainsi qu'un dédommagement pour détention injustifiée à raison de 200 francs par jour de détention, soit 1014 jours.