SéismeLa colère monte à Haïti où l'aide tarde à arriver
Colère et désespoir gagnaient vendredi la population haïtienne confrontée à une nouvelle journée de chaos.
Trois jours après le séisme qui pourrait avoir fait plus de 100'000 morts, l'aide internationale n'arrivait qu'au compte-gouttes à cause des difficultés logistiques.
Dans les rues de la capitale, Port-au-Prince, les sinistrés déambulent au milieu des ruines, de la violence et de la puanteur des cadavres, rendue encore plus insoutenable par la chaleur tropicale qui règne dans l'île. Des habitants ont bloqué des rues avec des corps pour protester contre la lenteur des secours.
Une trentaine de pays participent aux opérations d'aide, selon le département d'Etat américain, et l'ONU a annoncé qu'elle avait reçu 268,5 millions de dollars de promesses de dons. Le temps presse: 1,5 million de personnes, selon le gouvernement haïtien, se retrouvent sans toit. Dans la capitale, une ville de 2,8 millions d'habitants, 10% des habitations ont été détruites.
Mais les difficultés sur le terrain sont immenses. Le port est complètement hors d'usage et les déplacements sont entravés par des routes détruites ou bloquées par des amas de gravats. Les communications sont en piètre état.
Pont aérien avec Saint-Domingue
L'aéroport de Port-au-Prince, équipé d'une seule piste, est engorgé. Un pont aérien doit être établi avec l'aéroport de Saint- Domingue, en République dominicaine, et une navette instaurée entre les deux aéroports.
Les parachutistes de la 82e division aéroportée de l'armée américaine ont commencé à sécuriser la piste de l'aéroport et à débarquer du matériel lourd, sous les yeux de centaines d'Haïtiens et d'étrangers espérant quitter cet enfer. D'ici lundi, 9000 à 10'000 GI's seront sur place, a indiqué le chef d'état-major interarmées, Mike Mullen.
La Suisse, qui avait vendredi 32 sauveteurs sur place, a mis a disposition un hélicoptère pour le transports des secouristes et des blessés.
L'insécurité est l'un des principaux problèmes pour les équipes de secours. «Il y a des pillages et des gens armés, parce que c'est un pays très pauvre et qu'ils sont désespérés», observait Delfin Antonio Rodriguez, chef des opérations de la défense civile dominicaine.
Problèmes de coordination
Difficulté supplémentaire, les sauveteurs risquent de devoir travailler en l'absence de toute coordination de la part des autorités locales, les principales infrastructures du pays étant détruites.
Sur le terrain, plusieurs équipes de secouristes venues des Etats- Unis, de France, de République dominicaine ou du Venezuela sont à pied d'oeuvre pour tenter de retrouver des survivants dans les décombres.
Le CICR a affirmé que les capacités des installations médicales et du personnel sont poussées à leur extrême limite. Il n'y a pas assez de médecins et d'infirmières pour s'occuper des nombreux blessés.
Les cinq hôpitaux qui fonctionnent encore sont pleins et incapables d'accueillir de nouveaux patients. L'organisation fait état également de pénuries d'eau. Selon Médecins sans frontières (MSF), des milliers de blessés attendent des soins.
Jusqu'à 100'000 morts
Plus de 15'000 corps auraient été ramassés des rues et ensevelis, a indiqué vendredi le premier ministre haïtien, Jean-Max Bellerive. C'est sans compter les disparus. Au total, le séisme pourrait avoir causé la mort de 50'000 à 140'000 personnes, selon les estimations du gouvernement.
L'ONU déplore 37 morts et 330 disparus parmi son personnel. Deux ressortissants suisses ont été blessés. Leurs jours ne sont pas en danger. La représentation helvétique sur place n'a pas encore de nouvelle de 80 autres Suisses sur les 180 qui vivent dans le pays.
Le président américain Barack Obama a prévenu vendredi que Haïti connaîtrait encore «des jours difficiles» malgré l'afflux de l'aide humanitaire. Il doit recevoir samedi ses prédécesseurs Bill Clinton et George W. Bush, chargés de la coordination de l'aide américaine vers le pays.
L'ancien président Jean-Bertrand Aristide, en exil en Afrique du Sud, s'est quant à lui dit vendredi prêt à rentrer dans son pays. M. Aristide a dominé la vie politique haïtienne pendant près de 15 ans avant d'être contraint de quitter son pays en 2004, confronté à une insurrection armée et des pressions internationales. (ats)
Entre 9 et 10'000 morts recensés
Les autorités haïtiennes ont recensé entre 9000 et 10'000 morts, a déclaré vendredi le secrétaire d'Etat français à la Coopération, Alain Joyandet, selon un bilan. Ce chiffre ne tient pas compte des personnes portées disparues.
«Il sera sans doute difficile d'avoir un bilan fiable», a toutefois ajouté M. Joyandet devant des journalistes à l'aéroport de Port-au-Prince.