SuisseLa consolidation de la banque privée a ralenti
Si les fusions-acquisitions se sont tassées, l'enquête de KPMG montre des reflux d'argent frais. Et les marges continuent de souffrir.

La réorientation par les grandes et moyennes institutions de leur segment clientèle impacte les afflux nets d'argent.
Malgré un contexte toujours difficile, la consolidation dans le secteur des banques privées en Suisse a nettement ralenti l'année dernière. Sur onze transactions au total, seules deux reprises entre établissements helvétiques ont été enregistrées.
Au cours du premier semestre 2017, la tendance se poursuit, avec zéro transaction entre banques suisses, indique l'enquête annuelle du cabinet d'audit KPMG et de l'Université de Saint-Gall publiée jeudi. Cinq opérations ont toutefois déjà été annoncées pendant les mois de juillet et août, dont une impliquant deux banques tessinoises.
Globalement, la situation des marchés s'est améliorée en 2016, et en 2017, a relevé Philipp Rickert, responsable des services financiers chez KPMG, devant les médias à Zurich. L'incertitude réglementaire était moindre. Seule inconnue pour l'industrie bancaire, la rapide transformation technologique, estime-t-il.
Acquéreurs moins empressés
L'année dernière, la principale transaction a été le rachat par l'institut zurichois EFG de la Banca della Svizzera Italiana (BSI). Empêtrée dans le scandale de blanchiment lié au fonds souverain malaisien 1MDB, la banque tessinoise a été dissoute après son intégration. A fin 2016, la branche totalisait 114 établissements. A fin juin 2017, après deux sorties du marché, elle en comptait 112.
En comparaison, l'exercice 2015 avait connu neuf fusions et acquisitions de banques privées suisses sur les 15 réalisés au total. La demande de reprises a bel et bien diminué du côté des acheteurs, observe KPMG.
Les gros acquéreurs sont moins intéressés à des «petites opérations» en Suisse, où toujours moins de banques sont à prendre. Ils ont défini plus étroitement leurs segments de clientèle cible, et se montrent moins disposés à mener des restructuration après acquisition, expliquent les experts du cabinet d'audit. Côté vendeurs, les attentes étaient trop élevées.
Clients perdus
L'enquête de KPMG s'est concentrée sur un échantillon constant de 85 établissements, à l'exclusion comme d'habitude d'UBS et de Credit Suisse. L'ensemble représentait au 31 décembre une masse sous gestion de 1635 milliards de francs, en progrès de 5,1% comparé à 2015 grâce aux fusions et acquisitions.
Mais l'afflux net d'argent frais, en stagnation depuis des années, est carrément passé en territoire négatif (médiane -1,6%) en 2016. Les banques examinées accusent un reflux net de 43 milliards, soit 3% du volume total, premier exercice avec une sortie nette depuis 6 ans.
«L'an passé, les banques ont perdu plus de clients qu'elles n'en ont gagné», a dit Christian Hintermann, reponsable du conseil financier chez KPMG. La «purge» par les grandes et moyennes institutions de leur segment clientèle, en lien avec l'entrée en vigueur de l'échange automatique de renseignements (EAR) début janvier 2017, y est pour beaucoup.
Pour l'avenir, l'acquisition de clients dans de nouveaux pays devrait à nouveau ramener des clients. Pour les petits et moyens instituts toutefois, ce sera difficile, prévient l'expert.
Effets uniques
Dans l'ensemble, la rentabilité des banques s'est dégradée. En 2016, les établissements examinés n'ont pas réussi à améliorer les rendements de fonds propres (RoE). Leur valeur médiane s'établit à 4,1%, soit stable par rapport aux années précédentes.
Pour le groupe formé par les 11 banques privées à la plus faible performance, cet indicateur a même dégringolé à -9%, relève Christian Hintermann. Toutefois, les banques suisses détiennent plus de capital que requis par la régulation.
Dopés en 2016 par des effets exceptionnels, les bénéfices nets ont explosé à près de 1,8 milliard de francs. Lors de l'exercice précédent, ils avaient chuté à 741 millions, plombés par des éléments uniques. Depuis 2010, les profits affichent toutefois une progression d'environ 10%.
Mais les marges, elles, souffrent. En 2016, le rapport entre les produits et les avoirs gérés en moyenne des banques privées opérant en Suisse s'est inscrit à 89 points de base (valeur médiane), «le niveau le plus bas jamais connu», souligne KPMG.
En cause, moins de produits nets des commissions et des intérêts. «Il y a moins d'argent non déclaré», explique Christian Hintermann. En outre, la clientèle est devenue plus critique tandis que la concurrence entre instituts s'est aiguisée, avec une approche agressive pour gagner les «gros» clients, selon lui.
Différences régionales
Sur l'échantillon total, 41% sont des instituts de Suisse romande, 14% du Tessin. Les premiers - qui représentent 46% de la masse sous gestion - affichent un RoE médian de 5,1% l'an passé, soit la meilleure performance.
Mais à l'aune des afflux nets d'argent frais, les banques privées romandes accusent le plus fort reflux (-4%). C'est principalement du fait que quelques grandes banques de la place financière romande se sont séparées de clients fiscalement «risqués», explique KPMG.
Le ratio coûts-revenus des établissements romands s'avérait également le plus élevé, et partant le plus mauvais en 2016, à 85,9%. La médiane pour l'ensemble des 85 établissements a d'ailleurs aussi atteint 84,4%, un pic depuis sept ans. (nxp/ats)