Appellation contrôléeLa Fée verte veut être préservée
Absinthe, Fée verte ou Bleue: la demande de préserver par une Indication géographique protégée (IGP) le breuvage issu du Val-de-Travers (NE) a été publiée mercredi.

L'absinthe pourrait se voir protégée par une Indication géographique protégée.
Cette appellation permettrait d'éviter les imitations et usurpations de cet alcool interdit jusqu'en 2005.
Publiée mercredi dans la feuille officielle du commerce, la demande englobe les dénominations «Absinthe», «Fée verte» et «La Bleue». Celles-ci renvoient toutes à un seul et même produit, «une boisson spiritueuse élaborée à partir d'alcool d'origine agricole, d'eau et d'un mélange spécifique de plantes», précise l'Office fédéral de l'agriculture (OFAG) dans un communiqué. L'aire géographique de transformation a été circonscrite au Val-de-Travers.
L'IGP aura également comme tâche de protéger «la renommée et l'originalité» de l'absinthe, basée sur «les rites complexes qui accompagnent sa dégustation et la passion qu'ont suscité ses supposés vertus et méfaits,» note l'OFAG.
Contrairement à l'AOC, où toutes les étapes de production doivent avoir lieu dans la zone d'origine, l'IGP privilégie le lien historique d'un produit avec son terroir, ainsi que la réputation liée à une région, a expliqué à l'ATS Alain Farine, directeur de l'Association AOC-IGP.
L'absinthe ne peut pas prétendre à l'AOC, car «un de ses composants, l'anis étoilé, ne peut pas pousser dans nos contrées», a expliqué à l'ATS Alain Farine. L'absinthe partage toutefois «une histoire indéniable avec le Val-de-Travers», indique M. Farine.
Lien historique
Né à la fin du 18e siècle dans le Val-de-Travers, le mythique breuvage a connu une histoire mouvementée. L'absinthe a été frappée d'une prohibition en 1910, à la suite d'une initiative populaire, approuvée par 63,5% du peuple suisse, qui avait interdit en 1908 la fabrication du breuvage pour des raisons de santé publique.
En 1905, l'affaire de Commugny (VD) avait mis le feu aux poudres: un homme tue sa femme et ses deux enfants dans un accès de démence attribué à l'époque à l'absinthe. Outre celui des ligues anti- alcooliques, l'initiative avait reçu le soutien des producteurs viticoles échaudés par la concurrence de l'absinthe.
Plus d'un millier de personnes vivait de l'absinthe au 19e siècle au Val-de-Travers. «Les plantes de petite absinthe et de grande absinthe, qui y ont été réintroduites depuis, faisaient partie du paysage de la région avant l'interdiction», indique Alain Farine.
Indemnité
Au moment de la prohibition, les distillateurs avaient perçu collectivement une indemnité d'un million de francs. La prohibition n'a été levée qu'en 2005. De nombreuses distilleries clandestines ont permis d'éviter la mort de la fée verte pendant le 20e siècle.
L'IGP permet de protéger les noms traditionnels désignant des produits agricoles transformés dont les principales caractéristiques sont déterminées par leur origine géographique. Lorsqu'un nom est protégé, son utilisation est réservée aux producteurs de l'air géographique définie. La saucisse aux choux vaudoise et la viande séchée du Valais détiennent une IGP.
Une enquête publique suit la demande d'enregistrement, où toute personne peut s'opposer à l'enregistrement pendant un délai de trois mois. Selon Alain Farine, «cette demande a des chances d'aboutir».
(ats)