Genève: «La Fondation du stade n’est pas un concierge de luxe»

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Genève«La Fondation du stade n’est pas un concierge de luxe»

Nouveau président de la Fondation du stade de Genève, alors que ce dernier fête ses 20 ans, Imad Fattal livre sa vision d’avenir et ses espoirs pour l’enceinte de la Praille.

par
David Ramseyer
Avocat genevois de 41 ans, Imad Fattal est le nouveau président de la fondation du Stade de Genève. 

Avocat genevois de 41 ans, Imad Fattal est le nouveau président de la fondation du Stade de Genève. 

Bastien Gallay/GallayPhoto

Le Stade de Genève a soufflé ses 20 bougies, jeudi dernier. Le 16 mars 2003, la Praille accueillait en effet son premier match officiel (Servette-Young Boys, 1-1). Depuis, l’enceinte a connu des moments de lumière, mais aussi de ténèbres, avec notamment la faillite du club grenat, en 2005. Chargée à l’origine de gérer les lieux, la Fondation du stade a vu son rôle diminuer et ses présidents se succéder. Dernier en date: Imad Fattal. Nommé il y a trois mois, il est loin d’être un inconnu dans le monde sportif genevois. Patron des Lions de Genève, il a mené le club au sommet du basketball suisse. Désormais, charge à lui de conduire les destinées de la Fondation.

Le Stade de Genève est «un grand machin, mal foutu, et vide», entend-on régulièrement. Pareille opinion, ça vous peine?

Ça me surprend. Ce sont des critiques injustifiées. Le stade n’est pas en ruine, il est aux normes et accueillant. D’accord, il est mal né et certains Genevois, râleurs (il sourit), s’accrochent à cette première image alors qu’aujourd'hui, c’est un bel outil et efficace pour le football. 

Ailleurs, les enceintes modernes génèrent des revenus avec des hôtels ou des centres commerciaux qui leur sont accolés, elles accueillent des concerts… Le Stade de Genève ne repose pas sur un tel modèle. Peut-on gagner de l’argent, ou du moins ne pas en perdre, lorsqu’on gère la Praille?  

Déjà, la Fondation n’a pas vocation à faire de l’argent; sa mission est d’assurer que l’infrastructure soit aux normes et disponible. Alors oui, au départ, on aurait dû imaginer un autre modèle financier. Cela dit, certaines circonstances à l’époque (ndlr: limiter le coût public de construction, notamment) ont fait pencher la balance vers d’autres montages financiers. On peut le regretter, mais ce qui est fait est fait.  

En 2023, outre une subvention cantonale annuelle de 1,4 million de francs, quels sont les revenus du stade?

Il y a d’abord la location de l’enceinte au Servette FC (SFC), soit 250’000 francs annuels. Je précise que le club s’acquitte aussi des frais inhérents à la pelouse (env. 300’000 fr./an). Nous louons aussi quelques locaux – comme le bâtiment dévolu à la sécurité situé entre le stade et les voies CFF – et des places de parc, mais ce sont des revenus très accessoires. Je ne le cache pas: la situation financière de la Fondation est tendue. Pour nous, gagner de l’argent est difficile, surtout que nous avons peu de marge de manœuvre, en vertu de la convention signée en 2021 avec le Servette.

La maison grenat est la patronne des lieux?

Le SFC est l’exploitant du stade, qu'on parle de football ou de manifestations extrasportives. Les revenus liés aux matches, à l’Event Center et aux  événements organisés sur place, c’est pour lui. Un outil a été donné au club, qui peut en théorie toucher plus d’argent que le loyer qu’il nous verse. La convention le permet en effet.

Vous regrettez cette convention?

Elle peut sembler frustrante à certains égards, mais il faut voir qu’avant l’octroi de l’exploitation au SFC, il y avait un no man’s land: Servette ne payait quasi pas de loyer, les droits et devoirs de chacun n’étaient pas listés. Au moins, maintenant, les choses sont claires et structurées. Pour l’organisation de matches internationaux, c’est aujourd’hui le club qui s’en charge, c’est plus professionnel, et ça fonctionne. L’équipe nationale suisse est déjà venue plusieurs fois; pour sa première rencontre de qualification à l’Euro 2024, elle jouera ici, contre Israël, le 28 mars prochain. Et la Nati reviendra encore à Genève.

Mais si on comprend bien, la Fondation est simplement la concierge du stade?

C’est un peu péjoratif de dire cela... Pas tout faux, mais péjoratif. Nous ne voulons pas être un concierge de luxe. La Fondation doit bien entendu être respectée dans ses droits (ndlr: Jean-Marc Guinchard, prédécesseur d’Imad Fattal, a claqué la porte de la Fondation après que le patron de la maison grenat, Didier Fischer, a imposé le retour du rugby à la Praille). Mais nous sommes avant tout partenaires. Nous voulons travailler avec Servette main dans la main et aller dans la même direction. Ces derniers temps, la Fondation et le club ont trop été mis en opposition. Entre nous, il nous faut notamment communiquer, mieux et beaucoup. 

L’ancienne présidence de la Fondation ne voulait pas de rugby à la Praille. Et vous? 

Je souhaite que le stade soit utilisé le plus possible, avec l’équipe masculine de football, mais aussi le Servette Chênois féminin. Par ailleurs – et c’est une info exclusive – nous pourrions aussi accueillir des finales des championnats juniors à la fin de ce printemps, pour faire rêver les jeunes et leur permettre de fouler un terrain où tant de stars ont une fois joué (Messi, Ronaldo, Zidane, Pirlo, Salah…). Le rugby peut aussi y trouver sa place. Il y aura des matchs à la Praille jusqu’à l’été, cela nous permettra d’effectuer des tests sur la résistance de la pelouse à une telle charge. Mais il faut pouvoir préserver la qualité du gazon, qui sera changé en juin et restera naturel. Nous avons un droit de véto concernant l’organisation de tout autre sport que le foot, mais dans l’idéal, il faut un maximum d'événements sportifs ici. 

Et les concerts?

J’aimerais bien. Une fois par an, c’est jouable. Plus, c’est difficilement imaginable vu la conception du stade, les difficultés pour y faire entrer d’importantes structures scéniques, et sa contenance de 30’000 places – insuffisante pour les shows des plus grandes stars. On ne fera en tous cas pas d’aménagements en ce sens, d’autant plus que les concerts ne nous rapportent quasi rien financièrement. La Praille est avant tout un stade de football. 

 … Qui doit vivre dans le cœur des supporters?

Tout à fait! Sauf que cela prend du temps pour faire aimer un stade aux fans, d’y créer un ADN et une culture. Les ennuis passés du SFC sous la coupe de certains présidents perchés n’ont pas aidé. Heureusement, le club est aujourd’hui parfaitement stabilisé. Une victoire cette saison en coupe de Suisse pour les Grenat, ce serait parfait comme acte fondateur pour une nouvelle génération de supporters. Mon but, c’est que ce stade vive d’émotions.

Vous avez été un homme de succès avec les Lions de Genève. En quoi cela peut-il vous aider en tant que président de la Fondation? 

Ma présidence aux Lions ne compte plus, c’est du passé. Servir puis s’effacer, c’est mon crédo. Mais j’estime avoir quelques qualités qui m’ont permis de mener à bien cette période dans le basket et qui peuvent toujours me servir. Je suis un homme fédérateur, je pense; je suis déterminé et concret dans mes actions. Enfin, mon métier d’avocat me permettra de jauger les accords qui lient la Fondation à ses différents interlocuteurs. Je défends chaque jour des clients, et mon client, là, c’est le stade (rires).

Fermez les yeux… votre rêve de président? 

Voir Servette jouer en Ligue des champions, et pas que dans les qualifications!  

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