ValaisLa fonte du glacier d'Aletsch observée de près
Un laboratoire à ciel ouvert s'est établi à Riederalp. Il permettra aux scientifiques d'évaluer les conséquences de la fonte des glaces.
Le site du glissement de terrain de Moosfluh, sur la commune de Riederalp (VS), est devenu un vaste laboratoire à ciel ouvert. Des scientifiques y installent de nouveaux instruments pour étudier en détail un phénomène qui risque de se répandre.
A Moosfluh, sur la rive gauche du glacier d'Aletsch (le plus grand des Alpes), toute une pente est en mouvement depuis plusieurs années déjà. Mais le déplacement de ces deux kilomètres carrés de roches et de terres s'est accéléré. Par endroits il dépasse un mètre par année.
Tous les sentiers pédestres qui traversent la zone ont été interdits par mesure de sécurité. Désormais, seuls les scientifiques qui étudient le phénomène y ont accès. Et pour surveiller les lieux au mieux, ils ont imaginé un système inédit.
Surveillance sismique
Autour de la zone en mouvement, douze géophones (capteurs de vibrations sismiques) ont été installés. Avec ces instruments, les spécialistes espèrent littéralement «voir» ce qui se passe à l'intérieur de la masse en mouvement, explique Hugo Raetzo, géologue à l'Office fédéral de l'environnement (OFEV).
Les capteurs ont été détournés de leur usage habituel. Mais leur fonction première est conservée: enregistrer les vibrations du sol. Chaque mouvement provoque des vibrations qui seront mesurées avec précision.
Il sera ainsi possible de comprendre ce qui se passe dans la masse en mouvement et pas seulement en surface, explique M. Raetzo. La surveillance actuelle, par satellite ou GPS, permet de voir les déplacements de surface, pas ce qui est à l'oeuvre dans les entrailles de la roche.
Evaluer le danger
Les spécialistes espèrent mieux comprendre un phénomène qui peut se répéter ailleurs. Avec la mesure de l'amplitude des mouvements, il sera possible d'évaluer plus précisément le volume en déplacement, de savoir où la roche se déforme, où elle se brise. C'est important pour évaluer le danger, précise M. Raetzo.
Le géologue estime à environ 150 millions de mètres cubes la masse en mouvement. C'est environ cinq fois plus que l'écroulement de Randa (VS) ou celui de Derborence (VS). Mais actuellement, et malgré des mouvements qui, en septembre 2016, ont par endroits atteint 80 centimètres par jour, l'hypothèse d'un écroulement massif est écartée.
Les scientifiques pensent que toute la paroi va s'effondrer, mais par petits morceaux. La fonte du glacier d'Aletsch en est la cause. La glace agissant comme un arc-boutant contre la paroi rocheuse, sa disparition affaiblit progressivement le support, entraînant peu à peu la roche vers le bas.
Peu de dégâts potentiels
Pour important qu'il soit, ce glissement de terrain ne retient pas toute l'attention de l'Etat du Valais. Observateur en dangers naturels pour le canton, Peter Schwitter n'y voit que peu de risques pour la population. Les sentiers qui traversent la zone ont été fermés. De plus, un éboulement terminerait sa course sur le glacier, sans dégât autre que quelques arbres emportés.
Les petits éboulements, les laves torrentielles, les avalanches qui recouvrent ou emportent des routes, des voies ferrées ou traversent des lieux habités sont bien plus préoccupants, selon Peter Schwitter. La priorité de la surveillance concerne avant tout les lieux d'activité humaine.
Défi pour les remontées mécaniques
Le directeur technique des remontées mécaniques d'Aletsch, Anton Franzen, a pourtant l'oeil rivé sur les déplacements de la zone rocheuse. L'arrivée de la télécabine et les derniers pylônes sont en effet construits sur une portion de terrain en mouvement.
Un défi technique pour les ingénieurs. L'idée de base a été de permettre à la gare d'arrivée de se déplacer avec le socle rocheux. Depuis la station intermédiaire, les pylônes peuvent se déplacer et la gare changer d'orientation, un peu à la manière d'un trolleybus qui suit sa caténaire, explique M. Franzen.
La nature commande
Pour les 25 prochaines années, les ingénieurs tablent sur un déplacement de onze mètres latéralement et de neuf mètres verticalement. Tout a été construit pour absorber un tel mouvement avec une marge de manoeuvre assez large.
Les remontées mécaniques ont investi 23,5 millions de francs pour cette installation, surveillée jour et nuit par des capteurs GPS. Le système de l'OFEV est un élément de sécurité supplémentaire. Pour le reste, Anton Franzen est serein, mais lucide. L'être humain n'a plus la main, c'est désormais la nature qui dicte le rythme, dit-il. (nxp/ats)