Canada La fusillade de Montréal était un acte «isolé»
La fusillade de Montréal qui a fait un mort près de la salle où le Parti Québécois célébrait mardi sa victoire électorale est un acte «isolé», a assuré mercredi Pauline Marois.

La promesse de campagne de Mme Marois peut être réalisée sans vote au parlement, grâce à un décret ministériel.
«C'est un événement isolé. C'est le cas d'une personne qui a probablement un problème», a déclaré Mme Marois devant la presse, affirmant que la société québécoise était «profondément démocratique» et «non violente».
«Je suis profondément affectée, mais je dois aller de l'avant et assumer mes responsabilités», a encore souligné Mme Marois, qui avait fait preuve de beaucoup de sang froid au moment de la fusillade qui a interrompu son discours de victoire, revenant sur la scène dont elle venait d'être évacuée manu militari par ses gardes du corps et appelant le public au calme avant de terminer son discours.
La police a interrogé mercredi l'auteur présumé des faits qui ont fait un mort et un blessé grave, un sexagénaire qui a crié «Les Anglais se réveillent» au moment de son arrestation. Les enquêteurs travaillaient notamment sur l'hypothèse selon laquelle l'homme aurait voulu s'en prendre directement à Mme Marois.
La police n'a pas voulu divulguer l'identité du tireur, déclarant attendre sa première comparution en justice. Mais plusieurs médias canadiens l'ont révélée: selon eux, il s'agit de Richard Henry Bain, un anglophone de 62 ans vivant au Québec. Selon des images diffusées immédiatement après son interpellation, il portait au moment des faits un passe-montagne et une robe de chambre.
Sans citer leurs sources, les médias ont indiqué que Bain, arrêté immédiatement après la fusillade, était propriétaire d'une «pourvoirie» --une entreprise de services de chasse et de pêche travaillant sur un terrain appartenant à l'Etat-- et vivait au Mont-Tremblant, à 150 km au nord de Montréal.
Le quotidien «La Presse» précise que l'homme est bien connu à la mairie du Mont-Tremblant, à qui il avait adressé de nombreuses demandes jugées «peu structurées». Plusieurs dossiers sont encore à l'étude et il n'a pas été possible de savoir s'il avait essuyé récemment un échec dans ses démarches.
Il s'exprimait en français avec un accent et quelques difficultés, mais ne se plaignait pas de devoir utiliser la langue de Molière. «Deux armes à feu ont été retrouvées» sur le suspect, a précisé Ian Lafrenière, de la police de Montréal. Selon des photos publiées dans les médias canadiens, l'une d'entre elles était une kalachnikov.
Les événements en détails
Ian Lafrenière et Guy Lapointe, porte-parole de la Sûreté du Québec, ont décrit le déroulement des événements de la nuit.
C'est à l'extérieur, à l'arrière de la salle de concert, le Métropolis, où Mme Marois prononçait son discours de victoire et lançait un appel au rassemblement de tous les Québécois, que le suspect a ouvert le feu. Un homme a été tué sur le coup, tandis qu'un autre homme, blessé, a été secouru et conduit à l'intérieur du bâtiment, dont la porte a été fermée.
Le suspect a alors mis le feu à la porte, utilisant un produit inflammable, avant d'être maîtrisé par les policiers, nombreux autour du bâtiment, sans opposer de résistance, selon M. Lapointe.
Le suspect arrêté a été hospitalisé, a encore indiqué M. Lafrenière, sans en préciser la raison.
Annulation de la loi controversée
Pauline Marois, devenue la première femme chef de gouvernement du Québec, a annoncé mercredi qu'elle annulerait la loi spéciale limitant les manifestations et la hausse des frais de scolarité prévue par Jean Charest. Cette décision devrait mettre fin à six mois de mobilisation étudiante.
«Mon gouvernement va annuler la hausse des droits de scolarité par décret», a annoncé Mme Marois lors d'une conférence de presse à Montréal.
La loi spéciale dite loi 78 «n'aura donc plus lieu d'être, j'ai l'intention de proposer son abrogation et je suis convaincue que les partis d'opposition vont être d'accord», a-t-elle ajouté, assurant qu'elle tiendrait ensuite un sommet sur l'enseignement supérieur.
L'annonce de Mme Marois vient corroborer les dires de la présidente d'un des syndicats étudiants, la Fédération étudiante universitaire du Québec (FEUQ), Martine Desjardins, qui a précisé que la promesse de campagne de Mme Marois pouvait être réalisée sans vote au parlement, grâce à un décret ministériel.
«Ça fait longtemps qu'on se bat pour obtenir ce gain, on peut dire mission accomplie», a commenté Martine Desjardins interrogée par la chaîne publique Radio Canada. Et de confirmer que «la majorité des associations étudiantes avaient décidé de retourner en classe».
Fait et cause pour les étudiants
La hausse des frais de scolarité, de 82% sur sept ans, décidée par le gouvernement libéral sortant de Jean Charest, a été à l'origine du conflit étudiant déclenché en février dernier et ayant débouché sur une grève des cours et de nombreuses manifestations, parfois violentes.
Cette évolution du conflit a conduit le gouvernement libéral à faire voter le 18 mai une loi spéciale, officiellement censée garantir le libre accès aux cours des étudiants non-grévistes, mais imposant aussi des limitations aux manifestations.
Du coup, une partie de l'opinion publique, jusque-là favorable à la hausse des frais de scolarité justifiée par les besoins de financement des universités, s'est retournée contre le gouvernement. Elle a jugé qu'il allait trop loin et empiétait sur les libertés fondamentales, notamment la liberté d'expression.
Mme Marois a pris fait et cause pour les étudiants, arborant leur emblème, le carré rouge, à l'Assemblée nationale et promettant d'annuler, en cas de victoire aux législatives, les mesures prises par les libéraux.
M. Charest en a tiré argument pour l'accuser de se mettre du côté de «gens de la rue» pratiquant «la violence et l'intimidation». Le PQ n'en a pas moins remporté mardi les législatives, d'une courte tête. Mme Marois doit former dans les prochains jours un gouvernement minoritaire.
(ats/afp)