Italie: «La mer était pleine de corps flottants»

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Italie«La mer était pleine de corps flottants»

Pour les gardes-côtes de Lampedusa, il n'existe pas de «journée normale de travail»: au gré de leurs sorties pour sauver des immigrés en détresse, ils vivent l'horreur au quotidien.

«Les opérations de sauvetage sont souvent dramatiques, surtout quand la mer est déchaînée», raconte le commandant Filippo Marini, porte-parole des gardes-côtes, depuis le quartier général qui contrôle l'île et ses environs. «Nous arrivons parfois de nuit. Les gens sont agrippés à l'embarcation. Ce n'est pas facile de les sauver», ajoute-t-il. Les gardes-côtes italiens qui patrouillent le long de la frontière sud de l'Europe, dans la mer Méditerranée, sont souvent alertés par un coup de fil de détresse donné par téléphone satellitaire à partir de l'embarcation en difficulté.

Parfois ils arrivent trop tard. Comme jeudi, lorsqu'un bateau chargé de réfugiés érythréens et somaliens a pris feu et coulé à une centaine de mètres à peine du rivage. Les secouristes ont pu sauver 155 personnes, mais le bilan final pourrait largement dépasser les 300 morts. Jusqu'à présent, environ 290 dépouilles ont été récupérées à l'intérieur de l'épave et dans la mer.

Un gros défi physique et psychologique

«La mer était pleine de corps flottants et nous devions les récupérer, regarder leurs yeux sans vie. Ça laisse un goût amer dans la bouche», raconte Alessandro Falcone, un des gardes-côtes, avant d'ajouter dans un souffle: «c'est difficile d'en parler». «Très souvent, les équipages n'ont même pas le temps de poser pied sur le rivage, ils déchargent ceux qu'ils ont sauvés, font le plein de carburant, se lavent la figure et repartent secourir de nouveaux réfugiés. C'est un gros défi physique et psychologique», ajoute le commandant Marini.

Les officiers travaillent à tour de rôle pour assurer des patrouilles de nuit. Ils scrutent leurs radars à la recherche d'embarcations en difficulté, envoient des hélicoptères avec des projecteurs ou des vedettes équipées de radars infrarouges.

«Avec nos systèmes de vision nocturne à infrarouges, nous pouvons distinguer de quel type de bateau il s'agit, de pêche, voilier ou canot pneumatique, et à 500 mètres de distance même voir s'il est rempli de personnes ayant éventuellement besoin d'aide», explique M. Falcone.

«Nous ne pouvons pas revenir sans cesse sur les morts»

Les immigrés et les réfugiés sont entassés jusqu'à l'invraisemblable dans de petites embarcations, parfois de simples canots pneumatiques. «Lorsque la mer est mauvaise, il est souvent difficile de remonter les immigrés à partir de leurs embarcations. Et la mer n'est jamais calme, parfois les canots se renversent tout simplement», ajoute le garde-côte. Les gardes-côtes sont sanglés dans leurs sièges comme des pilotes de Formule 1 afin de pouvoir atteindre de grandes vitesses sur la mer agitée sans risquer leur vie.

Chaque équipage est composé de 12 personnes qui participent parfois des mois, voire des années, à des opérations de sauvetage, créant des liens qui aident à surmonter le choc en cas de tragédies. «La dernière catastrophe nous a tous secoués, mais nous ne pouvons pas revenir sans cesse sur les morts, nous devons repartir pour tenter de sauver d'autres pauvres gens», conclut Alessandro Falcone. La petite île italienne est la «terre européenne» la plus proche des côtes africaines et représente leur principale porte d'entrée dans l'UE. (20 minutes/afp)

Plus de 300 corps repêchés

Plus de 300 corps ont été retrouvés après le naufrage jeudi dernier au large de Lampedusa d'un bateau chargés d'immigrés, Erythréens pour la plupart, ont annoncé mercredi les gardes-côtes. Avec la récupération de deux femmes et deux hommes par les secouristes qui travaillent autour du bateau de pêche naufragé, le bilan officiel a atteint 302 morts : parmi eux 210 hommes, 83 femmes et neuf enfants. Le bateau transportait entre 500 et 550 migrants et seuls 155 ont été retrouvés vivants ce qui laisse craindre un bilan encore plus lourd.

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