GenèveLa police interrompt une pièce donnée… à huis clos
Vendredi soir, des acteurs ont montré leur dernière création à des professionnels du théâtre dans le respect des règles sanitaires. La police, prévenue, a évacué la salle.
- par
- Maria Pineiro

L’extérieur du Théâtre Saint-Gervais.
Le monde du théâtre genevois est en ébullition ce week-end, après l’intervention de la police lors d’une représentation à l’attention de quelques professionnels. Plusieurs personnes présentes s’en sont émues sur les réseaux sociaux. Retour sur les faits rapportés sur le web: vendredi soir, peu avant 21h, au Théâtre Saint-Gervais, se joue une pièce de théâtre devant un public restreint et uniquement composé de gens du métier. Il s’agit de montrer une création à des programmateurs d’autres lieux afin de faire tourner la pièce une fois les restrictions liées au Covid-19 levées.
Avertie, la police cantonale est alors intervenue sur place avec plusieurs agents. «À leur arrivée, les policiers ont constaté la présence d’une vingtaine de personnes qui assistaient à une pièce de théâtre, a confirmé Alexandre Brahier, porte-parole des forces de l’ordre. Les règles sanitaires étaient respectées. À savoir que tout le monde portait un masque, les distances étaient tenues, du gel hydroalcoolique était à disposition et une liste des présents avait été remplie.» Selon lui, la directrice du théâtre a indiqué aux agents qu’il s’agissait d’une réunion de travail entre professionnels oralement autorisée par les autorités. Mais sans preuve écrite, le commissaire de permanence a finalement ordonné l’interruption de la représentation et l’évacuation des lieux.
Tristesse du milieu culturel
Contactée, la direction du Théâtre Saint-Gervais n’a pas souhaité s’exprimer. Ce qui n’a pas été le cas de plusieurs personnes présentes à cette soirée, qui l’ont racontée sur les réseaux sociaux. «J’ai vraiment le cœur serré et le sentiment amer que l’on a sacrifié la culture sur l’autel de la consommation», juge l’une d’entre elles. Un avis largement partagé par plus d’un internaute mettant en regard cette interruption avec les rues commerçantes du centre-ville bondées ou les images de skieurs agglutinés devant des remontées mécaniques. «Scandale», «colère», «tristesse» ont été les réactions les plus partagées. Certains ont estimé qu’il s’agissait d’une réunion de travail et s’interrogent: pourquoi est-il possible de travailler dans des open spaces, mais pas autour d’une scène de théâtre?
Laurent Paoliello, porte-parole du Département de l’emploi et de la sécurité, renvoie à l’arrêté du Conseil d’État qui autorise les répétitions, mais interdit les représentations théâtrales. «La police est intervenue à bon escient et avec proportionnalité. Il n’y a pas eu de dénonciation pénale et aucune contravention n’a été délivrée.» Il a précisé que, lors de répétitions, un public restreint peut être autorisé, notamment des costumiers ou des directeurs de troupe, etc. Mais si l’on montre le spectacle, il s’agit d’une représentation. «Nous comprenons le besoin des professionnels du théâtre de montrer leurs créations. Des autorisations ont ainsi été délivrées pour permettre à des cameramen et preneurs de son de filmer des répétitions afin que les spectacles puissent circuler», souligne-t-il, affirmant que les autorités ne souhaitent en aucun cas nuire à la culture.