Union européenneLa présidence lettonne de l'UE face au président russe
La Lettonie prend jeudi la présidence semestrielle de l'Union européenne (UE). Elle va, du coup, se retrouver en première ligne face à la Russie de Vladimir Poutine.
La politique russe de l'UE n'est certes pas l'unique défi que Riga devra relever. Le danger islamiste, la rechute de la Grèce, la sécurité énergétique et l'accès des Européens, notamment issus des anciens pays de l'Est, au marché du travail britannique sont, entre autres, des dossiers lourds de risques et d'incertitudes.
Mais c'est l'annexion, en mars, de la Crimée par la Russie et son intervention en Ukraine, qui donnent la chair de poule aux pays baltes, sortis il y a un quart de siècle de l'Union soviétique. Et cela malgré les assurances réitérées de l'OTAN, dont ils sont membres depuis dix ans, et malgré la présence de chasseurs occidentaux qui interceptent les avions russes volant à proximité de leurs frontières.
Importante minorité russophone
La Lettonie, pays de près de deux millions d'habitants qui abrite une importante minorité russophone en bonne partie partisane du Kremlin, n'en affirme pas moins haut et clair que sa présidence ne sera pas «antirusse».
«S'il y a une chose que nous n'allons pas faire, c'est d'avoir une présidence antirusse ou prorusse», a dit à l'AFP le chef de la diplomatie lettonne Edgars Rinkevics, le 23 décembre, un jour après avoir «réceptionné le flambeau» européen transmis par son homologue italien Paolo Gentiloni.
La partie n'en promet pas moins d'être délicate. Riga doit accueillir les 21 et 22 mai le sommet du partenariat oriental, avec la Biélorussie, l'Ukraine, la Moldavie, la Géorgie, l'Arménie et l'Azerbaïdjan, qui aspirent à se rapprocher de l'UE. M. Rinkevics espère pouvoir envoyer à cette occasion «un signal fort sur la libéralisation du régime de visa» pour l'UE.
La diplomatie lettonne peut compter à Bruxelles sur un interlocuteur bien au courant du dossier russo-ukrainien, l'ancien premier ministre polonais Donald Tusk devenu il y a quelques semaines président du Conseil européen.
Allié polonais
Le langage de M. Tusk, sans différer beaucoup sur le fond de celui des Lettons, semble plus ferme. Le 19 décembre à Bruxelles, à l'issue de son premier sommet européen, il a estimé que l'Ukraine était «victime d'une sorte d'invasion» et affirmé que les Européens devaient «aller au-delà d'une réponse réactive et défensive».
Quant à M. Rinkevics, concernant l'est de l'Ukraine, il dit vouloir «faire son possible pour soutenir l'action diplomatique et le dialogue politique». Il refuse toutefois fermement de reconnaître l'annexion de la Crimée.
Il pourrait prudemment tendre la main à la Biélorussie, alliée de la Russie, mais dont le président Alexandre Loukachenko, accusé par la communauté internationale de violations des droits de l'homme, est allé le 21 décembre à Kiev, au grand mécontentement de Moscou.
Les Lettons ne manifestent pas un grand intérêt pour le passage de leur pays à la tête de l'UE, dont 72% d'entre eux sont au courant, une proportion assez importante.
Indifférence
L'homme de la rue reste souvent indifférent, mais plutôt favorable. «Cela améliore l'image du pays, c'est une bonne chose», pense un étudiant, Kaspars Riekstins. «On dit que les hôtels seront pleins. C'est bon, d'autant que les touristes russes se font rares», ajoute une retraitée, Inga, qui préfère ne pas donner son nom.
La seule remarque critique que l'AFP ait pu recueillir est venue d'un visiteur de la bibliothèque nationale qui doit accueillir la plupart des conférences européennes et dont l'entrée principale est d'ores et déjà interdite au commun des mortels.
«C'est un peu humiliant de devoir entrer dans notre propre bibliothèque par la porte de derrière», confie Arnolds Zarins.
Les médias s'interrogent aussi sur le bilan financier. Riga devrait dépenser environ 70 millions d'euros pour les différentes réunions tandis que, selon une étude commandée par les autorités, la Lettonie peut compter sur 64,5 millions d'euros de recettes supplémentaires, grâce aux activités hôtelières accrues et aux recettes fiscales. (ats)