Madame ClaudeLa proxénète qui voulait «rendre le vice joli»
Madame Claude, l'une des plus célèbres proxénètes de l'après-guerre en France, dont on a appris ce mardi la mort a vécu une vie rocambolesque. Portrait.

Fernande Grudet le 16 septembre 1992 quittant le Palais de Justice de Paris où elle comparaissait pour proxénétisme. Le fisc français lui réclamait une somme de 11 millions de francs. (photo: AFP/Joel Robine)
«J'ai essayé, et quelque part réussi, à enlever tout ce qu'il y avait de laid et de bas dans cette profession», assurait Madame Claude, élégante proxénète aux allures de grande bourgeoise. De son vrai nom Fernande Grudet, cette femme avide de respectabilité avait organisé un réseau de call-girls, protégé par la police et les services secrets, qui avait inspiré auteurs et cinéastes.
Née le 6 juillet 1923 à Angers dans une famille très modeste (son père tenait un petit café), la future Madame Claude monte à Paris après la Libération et se prostitue près de l'Opéra avant de faire ses débuts de proxénète en 1957. Les maisons closes ont été officiellement fermées en 1946 à Paris et elle devient alors Madame Claude, munie d'un téléphone et de deux carnets.
Deux carnets pour gérer ses call-girls
Le premier contient le nom et le numéro de téléphone de jeunes femmes repérées dans les boîtes de nuit chics ou aux terrasses de café. Elles sont convoquées par Madame Claude dans son appartement parisien. Elle les jauge et leur conseille, si nécessaire, de recourir à la chirurgie. Dessous raffinés, robes de grand couturier, bijoux, valises de luxe: Madame Claude les façonne en femmes élégantes.
Le second carnet abrite les noms de ses clients et leurs préférences sexuelles et autres fantasmes. On y trouve des hommes politiques et chefs d'État, comme le Chah d'Iran ou John F. Kennedy, des célébrités du cinéma, des hommes d'affaires comme le patron de Fiat Giovanni Agnelli. En échange des confidences recueillies sur l'oreiller par ses filles, Madame Claude s'assure les meilleures protections.
Après l'exil aux USA, elle prend sa retraite sur la Côte d'Azur
«La maquerelle de la République», comme on l'appelait dans les années 1970, se croit même à l'abri du fisc. Mais en mai 1972, le fisc saisit ses carnets et calcule son «chiffre d'affaires». Elle doit 11 millions de francs (1,7 million d'euros). L'arrivée de Valéry Giscard d'Estaing à l'Élysée deux ans plus tard sonne la fin des protections et précipite sa chute. La justice la condamne en octobre 1976 à dix mois de prison avec sursis et 11 millions de francs d'amende pour fraude fiscale.
En juin 1977, Madame Claude part pour les Etats-Unis pour éviter la prison. Fin 1985, elle rentre en France et s'installe à Carjac (Lot) où elle est arrêtée. Emprisonnée quatre mois, mais gardant jusque dans sa cellule son manteau de vison tout en déjeunant de mets fins, elle s'installe à Paris et ne peut s'empêcher de refaire ce qu'elle maîtrise parfaitement: remonter peu après un réseau de prostitution.
La septuagénaire est pourtant condamnée en septembre 1992 à trois ans de prison, dont six mois ferme. Après avoir monnayé ses confessions télévisées fin 1992, elle se retire sur la Côte d'Azur où, depuis, elle vivait recluse, dans un petit appartement, gardienne de nombreux secrets qu'elle n'aura jamais révélés...
(afp)
1500 à 2300 euros la nuit
En vingt ans, Madame Claude recrutera plusieurs centaines de jeunes femmes et quelques garçons qui se vendront pour 10'000 ou 15'000 francs français de l'époque la nuit (1500 à 2300 euros) en lui laissant une commission de 30%.