CatalogneLa République catalane, oui, mais un peu plus tard
Le président indépendantiste catalan Carles Puigdemont veut dialoguer avec Madrid avant de rendre effective l'indépendance de sa région.
«J'assume le mandat selon lequel la Catalogne doit devenir un Etat indépendant sous la forme d'une République», a dit M. Puigdemont devant le Parlement de Barcelone. «Je propose de suspendre la mise en oeuvre de cette déclaration d'indépendance pour entamer des discussions afin de parvenir à une solution négociée», a-t-il ajouté.
Costume et cravate sombres, l'air grave, il a souligné la nécessité impérieuse de «réduire les tensions» dans la région et a dénoncé le refus «radical» de Madrid de négocier un référendum d'indépendance.
Revenant sur le référendum du 1er octobre, marqué par une victoire écrasante des partisans du «oui» à l'indépendance (90%), M. Puigdemont a estimé que «la Catalogne a gagné le droit d'être un Etat indépendant». Il n'a cependant pas soumis de déclaration d'indépendance au vote des élus régionaux, ce qui aurait fermé la porte à toute solution négociée.
Carles Puigdemont, le président séparatiste, doit s'exprimer devant le parlement catalan à 18h00.
Des milliers d'Espagnols, de Catalogne et d'ailleurs, ont envahi les rues de Barcelone pour manifester leur hostilité à l'indépendance de la région, une semaine après le référendum d'autodétermination interdit par Madrid.
Fermeté de Madrid
Pressé de toutes parts, l'ancien journaliste de 54 ans a ainsi semblé choisir la voie médiane: maintenir les engagements pris avec son électorat, mais garder une porte ouverte pour une solution négociée, qui s'annonce difficile.
Cet appel au dialogue risque de se heurter à la fermeté de Madrid. Dans une première réaction, le gouvernement espagnol a estimé qu'une «déclaration implicite d'indépendance (....) n'est pas admissible», a indiqué un porte-parole de l'exécutif à l'AFP.
Quelques heures plus tôt, la vice-présidente du gouvernement Soraya Saenz de Santamaria a déclaré qu'il n'y avait «pas de place pour la médiation entre la légalité et l'illégalité, entre la loi et la désobéissance, entre la démocratie et la tyrannie».
Indépendantistes déçus
Des alliés du gouvernement catalan ont pour leur part regretté une «occasion perdue de proclamer solennellement» l'indépendance.
La séance devant le Parlement a commencé dans la confusion, retardée d'une heure «en raison de contacts pour une médiation internationale», selon un porte-parole du gouvernement catalan.
Le gouvernement espagnol a aussitôt souligné qu'une médiation avec Carles Puigdemont n'était «pas envisageable». Et la rumeur d'une vidéo-conférence avec le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker a été démentie par Bruxelles.
Appels de l'Europe
Jusqu'à la dernière minute, l'Europe a exhorté le leader séparatiste à ne pas prendre de décision «irréversible», rappelant que l'Union européenne ne reconnaîtrait pas une Catalogne indépendante.
Le président du Conseil européen Donald Tusk a encouragé M. Puigdemont à éviter «une décision qui rendrait le dialogue impossible», redoutant «un conflit dont les conséquences seraient négatives pour les Catalans, pour l'Espagne et pour toute l'Europe». Le président français Emmanuel Macron avait souhaité une solution pacifique face à ce qu'il a qualifié de «coup de force des Catalans».
A Madrid, le chef du gouvernement conservateur Mariano Rajoy a laissé entendre ces derniers jours qu'en cas de déclaration unilatérale d'indépendance, il pourrait suspendre l'autonomie de la région, une mesure jamais appliquée en Espagne.
Mais il a d'autres instruments à sa disposition. Il a déjà pris le contrôle des finances de cette région pesant 19% du PIB du pays en septembre. Il peut aussi instaurer un état d'urgence allégé lui permettant d'agir par décrets.
Toute mesure draconienne risque cependant de provoquer des troubles en Catalogne, où huit électeurs sur dix auraient souhaité un référendum en bonne et due forme, en lieu et place de celui du 1er octobre.
(nxp/afp)