Genève: la gestion des prisons inquiète les élus

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Genève«La souffrance m’a impressionné»: la gestion des prisons inquiète les élus

La commission de contrôle de gestion émet un rapport très critique sur la façon dont la direction de l’office cantonal de la détention régente le pénitentiaire. 

L’entrée de la prison de Champ-Dollon, à Puplinge.

L’entrée de la prison de Champ-Dollon, à Puplinge.

20min/Marvin Ancian

«J’ai été impressionné de la crise entre la direction de l’Office cantonal de la détention (OCD) et le terrain, impressionné par la souffrance. J’ai rarement entendu de tels témoignages», rapporte le député du Centre Bertrand Buchs. Cet élu (médecin de profession) et ses collègues de la sous-commission «pénitentiaire» de la commission de contrôle de gestion (CCG), craignant que l’un des collaborateurs auditionnés mette fin à ses jours, ont même alerté le Département de la sécurité à deux reprises.

Ils présentaient ce mardi leur rapport consacré à cette problématique pénitentiaire – un travail initié suite à la fronde des hauts-cadres de la prison de Champ-Dollon en juin 2021. A cette époque, opposés à la mise en œuvre à marche forcée de la réforme «Ambition», ils avaient écrit au département leurs très vives réserves et dénoncé un climat totalitaire. La crise aiguë est passée – le projet Ambition a été abandonné, les directeurs de Champ-Dollon et de l’OCD sont partis - mais les députés ont jugé que les auteurs du courrier, qui avaient été présentés comme réfractaires au changement, étaient en réalité «réfractaires aux méthodes», résume l’élu MCG Daniel Sormanni.

«Méthodes brutales»

«Pour nous, il ne s’agissait pas d’une insubordination mais d’une alerte, explique la socialiste Nicole Valiquer. Notre sous-commission peut attester avoir entendu des collaborateurs en grande souffrance. Nous les avons vus, pour certains, craquer et s’effondrer. Le moins que l’on puisse faire, c’est reconnaître que cette souffrance a existé.» Daniel Sormanni le dit ainsi: «Les méthodes brutales de la direction de l’OCD et de Champ-Dollon ont abouti à ce clash. Plus rien ne passait.»

«Gaulois qui fait chier»

Les députés ont décrit une gestion des ressources humaines méprisante et «défaillante» (les termes «incompétents», «réfractaires», «vieux dinosaures», «Gaulois de Puplinge qui commencent à faire chier», «bas de plafond» ayant ainsi été tenus à l’égard de certains cadres) et deux «planètes» étrangères l’une à l’autre. «Il y en avait une qui dirigeait, prenait des décisions complètement hors sol et ne comprenait pas que l’autre, qui travaillait, ne soit pas d’accord», détaille Bertrand Buchs.

Audit RH réclamé

Rappelant avec Nicole Valiquer que «les conditions de travail ont une influence sur les conditions de détention» et avec Bertrand Buchs que «le taux d’absence (qui stagne autour de 12-13%) est clairement un signe de souffrance», la commission a émis plusieurs recommandations au Conseil d’Etat. Elle souhaite en particulier qu’un audit RH de la direction générale de l’OCD soit mené et qu’un «temps d’arrêt» intervienne avant de nommer sa nouvelle direction et celle de Champ-Dollon, aujourd’hui assurées en intérim.

Pas de nomination précipitée

«Une réflexion doit être menée sur les profils», plaide Nicole Valiquer. Elle juge indispensable qu’au préalable, la politique pénitentiaire pour la prochaine législature soit arrêtée et présentée au Grand Conseil, histoire d’éviter les contre-emplois. A ce titre, explicite Bertrand Buchs, la commission «a signifié hier de façon polie à Mauro Poggia (conseiller d’Etat sur le départ) qu’elle ne comprendrait pas que les deux cadres soient engagés» par lui, et non par son successeur. Une exception, toutefois: la commission invite le conseiller d’Etat à rétablir le directeur adjoint de la prison, déplacé en décembre 2021, dans ses fonctions, «en guise de réparation, et ce avant des prendre des décisions sur l'avenir». Avocat du cadre, Me Romain Jordan a saisi ce jour l'élu d'une requête en ce sens.   

 

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