Affaire LucieLe meurtrier écope de la prison à perpétuité
Daniel H. qui a tué Lucie en mars 2009 a été reconnu coupable d'assassinat par le tribunal de district de Baden. Il purgera une peine de 20 ans de prison, assortie d'un internement simple.
Le jeune homme de 28 ans qui a tué Lucie en mars 2009 purgera une peine de prison à perpétuité et sera interné. La justice argovienne l'a reconnu coupable mercredi de l'assassinat de l'adolescente fribourgeoise. Le condamné garde toutefois une chance de retrouver un jour la liberté.
«Vous avez tué Lucie et agi de manière particulièrement dénuée de scrupule, extrêmement égoïste et sournoise» a lancé à l'assassin le président du Tribunal de district de Baden, Peter Rüegg, lors du jugement. Pour les cinq juges, il était «difficile d'imaginer culpabilité plus lourde». Et d'ajouter qu'»un jeune être humain a été arraché à la vie de manière atroce».
Le prévenu est resté impassible à l'annonce de sa condamnation à perpétuité (20 ans en principe), décidée à l'unanimité. Son avocat commis d'office, Matthias Fricker, avait demandé que la peine de son client soit limitée à 18 ans à purger en milieu thérapeutique fermé. Il a qualifié le jugement de «peu surpennant» tout en se disant satisfait que son client ne soit pas interné à vie.
La Cour n'a pas suivi le Ministère public et la demande des parents de Lucie sur ce point. Le procureur Dominik Aufdenblatten a indiqué réfléchir à la possibilité de faire appel du choix de ne pas interner le condamné à vie. Il s'est tout de même dit «partiellement satisfait» et attends le jugement écrit. Pour lui, «le but principal est atteint».
Chances d'une thérapie pas exclues
Les juges ont étudié la possibilité d'interner l'assassin de Lucie à vie avant d'y renoncer. Les deux experts interrogés au procès n'ont pas exclu qu'une thérapie de très longue durée puisse être possible dans le cas présent, a invoqué la Cour.
Pour y procéder, le condamné doit toutefois expliquer les motifs exacts de son acte. Comme cela n'est pas le cas pour l'instant, l'internement s'impose.
Contrairement à l'internement à vie, l'internement simple donne une chance au condamné de recouvrer un jour la liberté. Une fois la peine de réclusion purgée, l'internement doit être réétudié régulièrement. Tout indique que l'assassin restera enfermé durant des décennies. Il ne pourra être libéré que s'il ne représente plus aucun danger pour la société.
Les deux experts entendus ont qualifié l'intelligence du prévenu de «machiavélique». Pour eux, c'est un manipulateur qui présente des troubles de la personnalité et a une relation perturbée avec les femmes. Ils ont aussi rappelé sa consommation de drogue.
Regrets
Durant le procès de deux jours qui s'est déroulé à Untersiggenthal (AG), l'accusé a répété qu'il regrettait son acte «bestial» et «atroce». Le procureur a estimé ces regrets peu crédibles, les qualifiant même de «tactiques». Le prévenu a nié avoir répondu à des pulsions sexuelles, malgré la découverte de traces de sperme et d'urine sur le corps de l'adolescente de 16 ans.
Le 4 mars 2009, le jeune homme - un cuisinier au chômage - aborde Lucie à la gare de Zurich. Il attire la jeune fille au pair chez lui, prétextant un gain d'argent pour des photos liées à des articles de bijouterie. Le soir-même, il la frappe à coups de barre d'haltère et l'égorge dans son appartement de Rieden-bei-Baden (AG).
Le jeune homme se rend à la police quelques jours plus tard. Il explique vouloir retourner en prison. En août 2008, il avait bénéficié d'une libération conditionnelle après avoir purgé 4 ans de réclusion dans un centre éducatif fermé après une tentative d'assassinat.
Autorités en cause
Cette libération conditionnelle fait l'objet d'une plainte pénale, déposée début 2010 par les parents de Lucie. Ces derniers soupçonnent des représentants de l'autorité argovienne d'exécution des peines d'avoir fait preuve des négligences fatales qui ont abouti à la mort de leur fille. L'enquête est toujours en cours.
Les parents sont déçus que Daniel H. n'ait pas écopé de l'internement à vie. (Source: RTS)
(ats)
Internement à vie dans le Code pénal depuis août 2008
Les juges argoviens ont décidé de ne pas interner à vie l'assassin de Lucie, comme le permet le Code pénal depuis août 2008, après l'adoption d'une initiative populaire en 2004. Le Parlement a révisé ce texte en 2007 pour l'adapter à la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH). Pour prononcer l'internement à vie, le juge doit se baser sur deux expertises indépendantes confirmant la nécessité de prendre cette mesure contre un criminel dangereux. Elle s'applique pour l'assassinat et le meurtre, les lésions corporelles graves et le brigandage, le viol, la contrainte sexuelle, la séquestration et l'enlèvement. Sont aussi concernés la traite des être humains, les actes de génocide et des infractions contre le droit international en cas de conflit armé.
Trois conditions
Trois conditions doivent aussi être remplies. Premièrement, l'auteur du crime a porté ou a voulu porter une atteinte particulièrement grave à l'intégrité physique, psychique ou sexuelle d'autrui. Deuxièmement, il est hautement probable que l'auteur commette à nouveau un des ces crimes. Troisièmement, l'auteur est qualifié de durablement non amendable, dans la mesure où la thérapie semble vouée à l'échec à longue échéance.
Nouvelles connaissances scientifiques
Les articles 64c et 65 alinéa 1 règlent les conditions de la poursuite de l'internement. L'initiative n'admettait une réévaluation du cas d'un interné qu'en cas de nouvelles connaissances scientifiques alors que la CEDH prévoit un réexamen périodique. L'obstacle a été contourné par le législateur. L'autorité d'exécution des peines devra examiner s'il existe de nouvelles connaissances scientifiques donnant à penser que le condamné peut être traité. Elle prendra sa décision sur la base du rapport d'une commission fédérale spécialisée. L'internement à vie n'a été prononcé qu'une seule fois en Suisse depuis son introduction. En 2010, le Tribunal de district de Weinfelden (TG) a pris cette mesure contre un homme de 43 ans. Il avait poignardé à mort une callgirl en 2008 à Märstetten (TG). Le condamné avait déjà été reconnu coupable d'au moins 5 viols à caractère sadique.