BirmanieLe président, proche de Suu Kyi, a prêté serment
La passation de pouvoir est historique. Htin Kyaw, l'ami d'enfance de la leader de l'opposition, a prêté serment mercredi en Birmanie.

Le nouveau président birman Htin Kyaw prête serment devant le Parlement, mercredi 30 mars 2016.
Le nouveau président birman Htin Kyaw a prêté serment mercredi devant le Parlement. Il a répété son souhait de faire modifier la loi fondamentale de 2008, qui a gravé dans le marbre les prérogatives de l'armée.
«Le nouveau gouvernement travaillera à la réconciliation nationale, à la paix à travers le pays, à une Constitution qui ouvrira la voie à la création d'une Union démocratique et à l'amélioration du niveau de vie de notre peuple», a-t-il déclaré lors d'un bref discours devant les députés, dont certains étaient émus jusqu'aux larmes.
«Il est de notre devoir de travailler à la rédaction d'une Constitution qui convienne à notre pays et qui respecte aussi les règles démocratiques», a insisté le premier président civil du pays, vêtu d'une veste orange, la couleur de son parti, la Ligue nationale pour la démocratie (LND).
Pouvoir de veto de l'armée
Malgré sa large victoire aux élections de novembre, le parti d'Aung San Suu Kyi n'a pas les coudées franches pour façonner une nouvelle Birmanie. Les militaires, au pouvoir depuis 1962, se sont en effet garanti le contrôle de trois ministères clés (Intérieur, Défense et Frontières) et d'un quart des sièges au Parlement, ce qui leur donne de facto un pouvoir de veto sur toute réforme constitutionnelle.
Les généraux semblent toutefois bien décidés à se mettre en retrait, ce qu'ils avaient refusé de faire après la précédente victoire électorale de la LND, en 1990, écrasant dans un bain de sang le soulèvement démocratique.
L'actuel chef de l'armée, Min Aung Hlaing, a symboliquement assisté à la cérémonie de prestation de serment, de même que des centaines de diplomates et de membres d'ONG invités pour l'occasion.
«Super ministère» pour Suu Kyi
Htin Kyaw était arrivé au Parlement au côté d'Aung San Suu Kyi, tous deux vêtus de longyis, la jupe traditionnelle birmane. Le symbole de cette arrivée en duo est fort, Aung San Suu Kyi ayant promis d'être de facto «au-dessus du président».
Empêchée de devenir présidente par la Constitution, la titulaire du prix Nobel de la paix prendra la tête d'un «super ministère» nouvellement créé, comprenant notamment les Affaires étrangères. Elle a prêté serment à ce titre, comme les autres membres du gouvernement, après Htin Kyaw. Dans ce cabinet de sexagénaires, aucune femme à part Aung San Suu Kyi.
Après l'étape du parlement, Htin Kyaw s'est rendu au palais présidentiel pour rencontrer le chef de l'Etat sortant Thein Sein. Cheville ouvrière des réformes, M. Sein a occupé la scène médiatique jusqu'au bout, multipliant ces dernières semaines les visites de terrain sur des projets réalisés sous son mandat. Avec en vue les élections de 2020.
Cette passation de pouvoirs est le dernier acte d'une très longue transition politique qui a commencé après les législatives du 8 novembre, le premier scrutin libre depuis un quart de siècle, auquel les Birmans se sont déplacés en masse.
Soif de changement
Ce gouvernement civil est investi d'immenses espoirs dans un pays où un tiers de la population vit sous le seuil de pauvreté. La LND a promis de donner la priorité à l'éducation et la santé, domaines dans lesquels la Birmanie est l'un des plus mauvais élèves au niveau mondial en terme de budget.
«Le pays est prêt et avide de changement», estime l'analyste politique Khin Zaw Win, ancien prisonnier politique devenu directeur du centre d'analyse politique Tampadipa.
Selon lui, la pression sera forte sur les épaules du nouveau gouvernement dans les cinq années à venir. Le nouveau gouvernement va ainsi soumis à une forte pression de réformes rapidement visibles et sera tenté de ne pas «reprendre tout à zéro», ajoute-t-il.
Un autre grand chantier attend l'équipe d'Aung San Suu Kyi: les conflits armés ethniques. Dans plusieurs régions frontalières, des groupes rebelles réclament plus d'autonomie et affrontent les forces gouvernementales. Et dans l'ouest du pays, des milliers de musulmans Rohingyas vivent toujours déplacés dans des camps. (nxp/ats)
Félicitations d'Obama
Le président américain a félicité mercredi le nouveau président birman Htin Kyaw qui vient de prêter serment devant le Parlement, saluant «un tournant historique» dans l'arrivée du dirigeant choisi après les premières élections libres organisées en Birmanie depuis un quart de siècle. «La prise de fonction de Htin Kyaw», un proche de la célèbre figure de l'opposition à la junte Aung San Suu Kyi, «représente un tournant historique dans la transition du pays vers un gouvernement civil démocratiquement élu» après des décennies de pouvoir militaire, a déclaré Barack Obama, selon un communiqué de la Maison-Blanche.