Crash en FranceLe secret médical remis en question
L'Allemagne s'interroge sur un assouplissement du secret médical pour les métiers dits à risque après les révélations et rumeurs sur l'état de santé du copilote de Germanwings.
Selon le parquet de Düsseldorf, le copilote de 27 ans qui a précipité l'A320 de Germanwings contre les montagnes françaises était malade et n'aurait pas dû se retrouver dans le cockpit de l'appareil en raison d'un arrêt de travail qu'il avait gardé secret. Les autorités judiciaires n'ont pas précisé la nature de cette maladie.
Le parquet a également révélé lundi que le copilote avait reçu un traitement pour tendances suicidaires dans le passé. Selon plusieurs médias allemands, notamment le journal populaire Bild, le copilote a traversé un «épisode dépressif lourd» il y a six ans, pour lequel il suivait toujours un traitement «médical particulier et régulier».
Au cours du week-end, plusieurs médias ont également évoqué le fait que le jeune copilote aurait pu souffrir d'un décollement de la rétine, lésion qui aurait pu mettre en danger sa carrière.
«Professions sensibles»
Compte tenu de ces éléments, plusieurs responsables politiques, comme Dirk Fischer, expert des questions de transport au sein de l'Union chrétienne-démocrate (CDU) d'Angela Merkel, ont réclamé que les pilotes, comme que d'autres professions sensibles, «consultent seulement des médecins qui leur sont désignés par leurs employeurs».
Ces praticiens «devraient être libérés de leur obligation au secret dans le cadre des communications avec l'employeur et les autorités de l'aviation civile», a-t-il ajouté.
Un autre député CDU, Thomas Jarzombek, a demandé la création d'une commission d'experts pour étudier comment doivent être pris en charge la maladie de ces personnes qui, dans leur travail, engagent la santé ou la vie des autres.
Pour le député social-démocrate (SPD), Karl Lauterbach, un professeur de médecine, il est clair qu'un médecin «a le devoir d'informer un employeur sur l'incapacité d'un collaborateur à travailler» dans le cas où celui-ci est responsable de la vie d'autrui. «Et cela vaut particulièrement en cas de maladies psychiques et d'un risque de suicide potentiel», a-t-il insisté.
Peines de prison
Mais la solution n'est pas si simple, comme le fait remarquer dans un éditorial, le quotidien «Die Welt». Pour le journal, «les pilotes ont également le droit (...) d'avoir une discussion ouverte avec un médecin, sans craindre que leur employeur soit tenu au courant».
Les règles de l'Ordre allemand des médecins sont claires en la matière: «les médecins doivent garder le silence sur ce qui leur est confié ou ce qu'ils apprennent dans le cadre de leur exercice de la médecine».
La trahison de ce secret, qui reste valable après la mort du patient et est opposable aux membres de sa propre famille, est passible d'une peine d'emprisonnement et d'une amende.
Exceptions prévues
«Le secret médical auquel est tenu le médecin est un bien aussi précieux que celui dont bénéficie le patient, et qui est garanti par la constitution comme un droit de l'homme», a prévenu le président de la chambre fédérale des médecins, Frank Ulrich Montgomery.
Mais il est d'ores et déjà prévu des exceptions à ce secret, notamment quand il s'agit d'éviter des «crimes particulièrement graves» ou pour prévenir le risque d'une mise en danger d'autrui.
Pour Hans-Werner Teichmüller, président de l'Union fédérale des médecins de l'aviation (DFV), si un pilote choisit de voler alors qu'il en est médicalement incapable, «je suis obligé d'en informer les autorités». Mais cette obligation ne concerne pas l'employeur.
«100% capable de piloter»
La semaine dernière, le patron de Lufthansa a affirmé que le copilote était «à 100% capable de piloter» un avion. Il avait aussi déclaré que le jeune homme avait interrompu sa formation pendant plusieurs mois, mais précisé qu'il ne pouvait en dévoiler la raison.
Et lundi, après les dernières révélations en date, une porte-parole de Lufthansa a précisé que les documents médicaux étaient protégés par le secret médical et que la compagnie aérienne n'avait donc jamais eu connaissance de leur contenu. (ats)